La campagne présidentielle est lancée. Les programmes des principaux candidats commencent à prendre forme.
Sous forme d'un abécédaire, en passant par D comme Dette, F comme Fiscalité, I comme Inégalités, ou V comme Valeurs, je pose ici aux candidats les questions dont dépendra en grande partie mon vote en avril prochain.
Au menu aujourd'hui : D comme Dette publique.
Ma question
Aujourd'hui, la Grèce est en faillite, et à feu et à sang. On sait bien que demain, le risque est fort que le Portugal, dont le ratio dette publique/PIB dépasse 100%, et dont certains pensent qu'elle est entrée elle aussi dans un processus divergent aussi peu maîtrisable qu'un réacteur nucléaire dont on aurait perdu le contrôle, soit dans une situation comparable. Et il se pourrait que la France soit la suivante sur la liste ...
Par quels moyens, et selon quel calendrier, prévoyez-vous de retrouver un niveau d'endettement public acceptable ?
Mon avis
Je commencerai par un commentaire sur la Grèce. On peut comprendre que les Grecs se révoltent contre une situation dont ils sont victimes et dont la plupart ne sont évidemment pas, individuellement, responsables. Mais cette responsabilité n'incombe pas non plus aux banques, ni au FMI, ni aux Allemands, qui exigeraient d'eux plus qu'ils ne sont capables de donner. Elle incombe, en premier lieu, aux gouvernants de la Grèce, dont l'incurie a conduit à la situation présente. Et la Grèce étant une démocratie, il me paraît juste de dire que les citoyens grecs sont bien, collectivement, les responsables au premier chef de leur situation actuelle.
Cela dit, comment pourrait-on sérieusement imaginer que le monde entier, et plus particulièrement l'Europe, se cotise pour renflouer les dettes passées de la Grèce, sans exiger que les cotisants aient à tout le moins une assurance raisonnable que le pays ne va pas persister dans le creusement d'une nouvelle dette tout aussi inremboursable que l'actuelle ? Les Allemands ne disent rien d'autre, et je crois qu'ils ont raison sur ce point.
Pour revenir à la France, un niveau d'endettement public acceptable, c'est non pas celui qui nous permettrait de rembourser nos dettes - les dettes d'un Etat ne sont jamais remboursées en pratique, et n'ont nul besoin de l'être (voir ici) -, mais c'est celui :
• qui nous permettra de payer durablement les intérêts de cette dette sans augmentation des prélèvements publics et sans diminution des dépenses publiquesPour revenir à un tel niveau tout en limitant l'impact sur la croissance, il faudra bien évidemment, au moins temporairement, mais très vite, relever (un peu) les prélèvements et réduire (beaucoup) les dépenses. C'est aussi le sens du rapport de la Cour des Comptes (Cour dont il faut rappeler qu'elle est présidée par un socialiste). J'attends des candidats qu'ils tiennent sur cette question un langage de vérité, et qu'ils disent combien, qui, quand, et comment, même si ça doit faire mal.
• et, surtout, qui sera reconnu comme tel par nos créanciers et par les agences de notation, dont la fonction - indispensable - est d'évaluer la capacité d'une entreprise ou d'un Etat à honorer ses engagements financiers : car c'est en partie d'elles, et à juste titre, que dépendront les taux d'intérêt que nous demanderont nos créanciers.
Du côté des recettes, il faudra bien sûr des évolutions de la fiscalité, car aucun sacrifice ne sera accepté si des mesures visibles allant dans le sens d'une plus grande justice fiscale ne sont pas prises (voir F comme Fiscalité).
Du côté des dépenses, parmi les instruments à mettre en œuvre, une profonde réforme de l'organisation territoriale me semble indispensable, afin de la rendre à la fois plus efficace et moins coûteuse : l'empilement des structures, des communes aux Régions, l'enchevêtrement des compétences et la concurrence entre institutions sont des facteurs de coûts inutiles et d'inefficacité (voir par exemple ici).
Il faut avancer dans le sens de l'intercommunalité de type fédérative (avec l'objectif à terme de réduire drastiquement le nombre de communes), afin de construire des ensembles de taille suffisante. Il faut aussi, probablement, fusionner les Départements et les Régions en supprimant les premiers, comme le préconisait le rapport de la Commission Attali de 2008).
Il faudra également prendre des mesures concrètes, probablement contraignantes, pour réduire les dépenses des collectivités territoriales, dont l'endettement a aussi atteint des niveaux très excessifs et insoutenables dans la durée.
C'est à condition d'avoir pris très vite les mesures de redressement nécessaires, mesures qui seront sans doute douloureuses, et de les avoir menées à bien, que la France pourra retrouver à la fois le respect de ses partenaires européens, indispensable pour jouer à nouveau un rôle moteur dans la construction européenne, et les marges de manœuvre qui lui font défaut aujourd'hui.
(à suivre)
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