jeudi 19 décembre 2013

Hommage pré-posthume à Jean d'Ormesson




L'inconvénient des hommages posthumes, c'est que ceux qui en sont l'objet ne sont, en principe, plus tellement en état de les lire ou de les entendre, et donc de s'en réjouir. Les oraisons funèbres donnent généralement du plaisir à leurs auteurs ; elles en donnent parfois à leurs auditeurs ou à leurs lecteurs ; mais elles en donnent trop rarement à leurs destinataires : quitte à dire du bien de quelqu'un qu'on aime, il est donc préférable de le faire de son vivant.


Jean d'Ormesson est certes immortel, puisqu'académicien. Pourtant, un jour, il s'en ira: c'est en tout cas ce qu'il semble admettre dans le titre de son dernier livre, Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit, titre emprunté, comme celui de son précédent ouvrage, C'est une chose étrange à la fin que le monde, au magnifique poème d'Aragon intitulé Que la vie en vaut la peine.

Quand je dis "son dernier livre", je veux dire, bien sûr, le plus récent : mais il n'est pas impossible que ce soit bel et bien le dernier. J'ai donc jugé bon de ne pas attendre son passage de l'immortalité d'ici-bas à l'immortalité de l'au-delà pour dire toute l'affection que je lui portais, et de lui rendre cet hommage pré-posthume.

mardi 17 décembre 2013

Haïkus choisis de Kobayachi Issa

Marie-Luce Grasset

 Soir d'hirondelles -
demain encore
je n'aurai rien à faire
-oOo-
 Prépare-toi à la mort
prépare-toi -
bruissent les cerisiers en fleurs
-oOo-

dimanche 15 décembre 2013

Les haïkus doux d'Enkidou


J'ai raconté dans ce billet ma découverte du haïku. J'ai eu envie de tenter l'aventure d'en écrire à mon tour. Mais comment faire ?

Le haïku a été inventé, et codifié, en langue japonaise. A l'origine il se pense, se dit, s'écrit, en culture, en langue et en écriture japonaises : rien ne permet de dire a priori qu'une transposition dans une autre langue, si elle est possible, devrait reposer sur les mêmes règles.

Il est d'autant plus justifié pour un non-japonais de prendre des libertés avec les règles traditionnelles - ce que ne manquent pas de faire les auteurs de haïkus de langue française - que nombre d'écrivains japonais ont aussi écrit, ou écrivent, des haïkus, en s'affranchissant des règles traditionnelles de forme, pour n'en garder que l'esprit : un poème court, sans rime, irrégulier, qui cherche à saisir au vol une émotion furtive, à fixer un instant du temps qui s'enfuit, inexorablement. Je ne crois pas cependant que l'écriture d'un haïku en soit rendue plus facile, au contraire : ne serait-ce que parce qu'il est difficile, du moins pour un "haïkiste du dimanche" comme moi, de percevoir ce qu'est vraiment un "bon" haïku ... 

Haïkus de novembre


De l'herbe mouillée
un geai brusquement s'envole -
rêverie brisée.
-oOo-

samedi 14 décembre 2013

Petite anthologie de haïkus en langue française


Andrzej Wachala
 
A moitié petite,
la petite
montée sur un banc.
Paul Éluard
-oOo-
Pendant ton sommeil
je joue avec les nuages
et tu n'en sais rien.
Lisa Carducci
-oOo-

vendredi 13 décembre 2013

Haikus japonais anciens et contemporains (2)


Magritte - La Grande Famille

Cet automne-ci
pourquoi donc dois-je vieillir ?
oiseau dans les nuages.
Bashô
-oOo-
 J'arrose
pensant pouvoir
vivre encore.
Toshiko Tonomura
-oOo-

dimanche 8 décembre 2013

samedi 7 décembre 2013

Le haïku, un art du presque rien ...

... ou quand le temps s'immobilise


Le haïku était pour moi, jusqu'à il y a peu, un objet curieux mais totalement dénué d'intérêt : trois courtes lignes sans rime ni mesure, décrivant le plus souvent de façon banale des choses banales de la vie ou de la nature. Et j'avais peine à y voir de la poésie.

Un des avantages du haïku, c'est que c'est vite lu. Ayant eu en main le livre de Corinne Atlan et Zéno Bianu intitulé Haiku : anthologie du poème court japonais (publié chez Gallimard), je l'ai donc parcouru rapidement. Et je me laissé prendre au charme discret de ces courts textes d'apparence si modeste. Vite lus, sans doute, mais il en est qui résonnent longtemps, si on les laisse résonner.

Voici, en quelques mots, ma compréhension de cette chose étrange, minimaliste et attachante. Point de vue purement subjectif d'un promeneur curieux égaré dans un univers inconnu.

L'origine et la forme du haïku

Les origines du haïku remontent au Japon du XVIIème siècle (on trouve plein d'informations sur Wikipedia, mais aussi sur le blog, très riche, de Dominique Chipot).