mercredi 31 juillet 2013

Agacement, 9


Agacement, 9

Les intégristes m'agacent, en général, et aussi en particulier. Par exemple, les intégristes de la langue française. Ceux qui pensent que notre langue a été figée pour l'éternité, ou presque, dans l'état où elle a été codifiée par ses prophètes. Ceux pour qui Furetière et Littré sont les deux mamelles auxquelles se nourrit l'identité française. Ceux pour qui "le Dictionnaire" est la seule et unique origine de la Vérité. Ceux qui ont oublié que la source du langage, ce sont le langage lui-même et ceux qui l'utilisent, et non ses grands prêtres. Ceux qui ne veulent pas admettre qu'une langue vivante doit vivre. Que, comme tous les êtres vivants, elle ne vit qu'en s'enrichissant de la vie qui l'entoure. Qu'elle est d'autant plus forte qu'elle est plus ouverte, tolérante, accueillante, curieuse d'autres langues, d'autres cultures, d'autres territoires. Et que, du jour où elle croit ne pouvoir ou ne devoir trouver qu'en elle-même la source de sa subsistance, elle est condamnée à se rétrécir, s'étioler, se dessécher, se racornir. Condamnée à s'endormir pour ne pas se réveiller. Condamnée à devenir, un beau matin, une langue morte. 

Cela dit, il est aussi de bien beaux cimetières. Tant qu'il reste des vivants pour les voir.

samedi 27 juillet 2013

De l'illusion de la gratuité




La Ministre de la Justice, Christiane Taubira, vient d'annoncer la suppression de la taxe de 35 euros dont devait s'acquitter un particulier pour saisir la justice d'un litige (voir ici). "Le rétablissement de la gratuité de la justice", se sont réjouis tant la Ministre que nombre de commentateurs. D'autres, dont je suis, y voient une décision purement démagogique qui ne pourra avoir pour résultat que d'aggraver les maux dont souffre la société française en général et la justice en particulier, sans aucun effet bénéfique pour quiconque - sinon, peut-être, pour la corporation des avocats.

Je vais m'expliquer sur les raisons de ma colère à propos de cette décision consternante et absurde. Mais j'ai envie d'en profiter pour partager une ébauche de réflexion sur la notion de "gratuité". Ou plutôt, sur l'illusion de la gratuité. Car, contrairement aux apparences, ce qui semble gratuit  ne l'est presque jamais pour tout le monde, et ne l'est même qu'assez rarement pour ceux qui croient en être les bénéficiaires.

Gratuit, qu'est-ce que ça veut dire ?

Gratuit vient du mot latin gratus, qui signifie « agréable, aimable ». Le latin gratus serait lui-même apparenté, selon le Dictionnaire Latin de Charlton T. Lewis & Charles Short, au grec χάρμα, kharma, « source de plaisir ». De la même famille, on trouve en français gré, grâce, gracieux, agréer, gratifier, gratitude ou ingratitude, etc.