lundi 30 mars 2020

Chroniques de confinement, 4

















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Préparez vos mouchoirs (1er épisode)

Parmi les gestes "barrière" recommandés par les pouvoirs publics pour limiter la propagation des virus en général, et du coronavirus en particulier, on trouve généralement l'utilisation de mouchoirs dits "à usage unique", c'est-à-dire, selon la croyance commune, de mouchoirs en papier - même si aucune loi n'interdit de jeter son mouchoir en tissu après le premier usage, qui deviendrait ainsi également le dernier, donnant enfin tout son sens à la formule biblique à laquelle je faisais référence dans un billet précédent, "les premiers seront les derniers".

Je dirai, dans un prochain billet, tout le mal que je pense de cette recommandation - et ma détermination à ne pas la respecter, quoi qu'il m'en coûte.

En attendant, pour patienter, voici un petit poème.


La mouche et le mouchoir

Un choir, rue Rochechouart,
D'un grand chêne branchu
Je vis la mouche choir.
Dès que la mouche eût chu,

Je sortis mon mouchoir
Et mis la mouche chue
Au creux du dit mouchoir
- Un mouchoir en tichu.

Comm' dit mon long chat noir :
Peu me chaut que j'aie chu !
Et mieux vaut nonchaloir
que dir' : chi j'avais chu !

Mais le choix du mouchoir,
Ou papier, ou tichu,
Cha ch'est une autre hichtoire,
Comm' dit madam' Michu.

Choyons notre mouchoir
Pour n'être point déçhu,
Au fond des bois, le choir,
Ou au Machu-Pichu !

La chute va échoir.
Car si la mouche a chu
Qui pourrait ne pas choir,
Barbu, ou moustachu ?

Si vous pachez le choir
Devant l'arbre fourchu
De la rue Rochechouart
D'où chette mouche a chu,

Agitez vos mouchoirs
Pour les anges déchus
Et ceux qui s'en vont choir
Comme la mouche a chu.

Enkidou

dimanche 29 mars 2020

Chroniques de confinement, 3















COVID-19 : j'embrasse (avec) la langue

Commençons par le commencement.

Au commencement, donc, il y a virus. Au sens biologique actuel, un virus est un microorganisme infectieux doté d'un seul type d'acide nucléique (ARN ou ADN), qui modifie le patrimoine génétique de la cellule infectée. Selon mon ami Wikipedia, "les virus utilisent la machinerie cellulaire de l’hôte pour se reproduire à l’intérieur même de la cellule" : de ce fait, "il est difficile de les éliminer sans tuer la cellule hôte". Le virus utilise ainsi, pour mener à bien ses sombres desseins, au moins deux des procédés communs aux stratèges de toutes les guerres : le cheval de Troie, et le bouclier humain. En résumé, un virus, c'est (très) petit, (très) méchant, et (très) malin(*).

Le mot virus, comme son apparence le laisse penser, est à l'origine un mot latin, qui peut se traduire notamment, selon mon ami Gaffiot, par "suc, jus, humeur, venin, poison, mauvaise odeur, puanteur, infection". En dérivent par exemple les mots virulentia, mauvaise odeur ou infection, ou virulentus, venimeux. C'est seulement à la fin du XVème siècle qu'il a pris l'acception actuelle d'agent de transmission d'une maladie. Et je précise, à toutes fins utiles, qu'il n'y a aucun rapport virus et vir, l'homme, qui a donné virilitas (ouf !).

Quant à corona, c'est le mot latin signifiant couronne (du grec ϰορώνη, chose courbe). Les adjectifs coronal, coronaire ou coronarien (sans rien, complèterait un plaisantin de mes amis) proviennent de la même racine. La couronne a aussi inspiré nombre de brasseurs (de dentistes aussi, mais ça n'a rien à voir avec le sujet), comme celui de la célèbre bière mexicaine Corona, dont le virus a contribué à accroître encore la notoriété, bien qu'elle n'y soit pour rien.

samedi 28 mars 2020

Chroniques de confinement, 2


















L'art de perdre, ou de gagner, c'est selon

Ce week-end, tout confinés que nous sommes, nous changeons d'heure.

Et comme à chaque printemps, comme à chaque automne, nous nous reposons encore et encore la même question : est-ce que cette heure, de plus, ou de moins, d'avance, ou de retard, est-ce que nous la perdons, ou est-ce que nous la gagnons ?

Le journal "le Monde" titrait ce matin sur le sujet : "Dans la nuit de samedi à dimanche, on perd une heure de confinement". Voilà un journal qui ne doute de rien - et surtout pas de lui, mais on le savait déjà. "On perd une heure" : la phrase sonne clair et net. Comment se fait-il alors qu'après l'avoir lue, je me demande encore si cette nuit sera plus courte, ou plus longue, d'une heure ?

Si on me disait, pendant que je suis en train de boire une Caïpirinha sur une plage paradisiaque à l'ombre des palétuviers (c'est une situation imaginaire, je précise), que j'allais "gagner une heure de soleil", je comprendrais assez vite - à la vitesse maximale que me permettrait la quantité de liquide ingérée préalablement - qu'il s'agit assez vraisemblablement d'une heure de soleil en plus. Mais si j'entendais les mêmes mots prononcés alors que je suis en train de courir le Marathon des Sables sous 50° de chaleur en ayant épuisé mes réserves d'eau (c'est une situation tout aussi imaginaire, je précise encore), je penserais - s'il me restait suffisamment de neurones en état de fonctionnement - qu'on me promet une heure de soleil en moins.

Plus, moins, perdre, gagner, c'est selon. Qui perd gagne, disait l'un. Les premiers seront les derniers, et réciproquement, disait l'autre. Il est décidément bien difficile de comprendre le monde dans lequel on vit. Bien difficile de se comprendre les uns les autres - sans parler de la difficulté, guère moindre, de se comprendre soi-même.

Ainsi, perdre une heure de confinement, est-ce rester confiné une heure de plus, ou une heure de moins ? L'incertitude demeure. Vivement qu'on en finisse avec le confinement et avec le changement d'heure, on pourra enfin commencer à réfléchir aux vraies questions.

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vendredi 27 mars 2020

Chroniques de confinement, 1


 

De quoi le confinement est-il le nom ?

Après la première intervention télévisée d'Emmanuel Macron sur le coronavirus, on a entendu de doctes Diafoirus de la communication nous expliquer qu'il aurait dû, pour être mieux compris, utiliser le terme de "confinement", mot qu'il avait eu la mauvaise idée, selon eux, de ne pas prononcer. Cette critique était on ne peut plus malvenue.

Les mots ont un sens, dans l'esprit de chacun de nous, qui résulte soit de notre expérience personnelle, soit de l'endoctrinement dont nous avons été l'objet. Ainsi, peu de mots abstraits peuvent se targuer d'être compris mêmement par tous.

Naguère, si vous parliez de confinement à un médecin, il entendait l'interdiction faite à un malade de quitter sa chambre ; à un biologiste, il pensait au maintien d'un animal, d'un végétal, ou d'une espèce, dans un milieu restreint ; à un ingénieur nucléaire, la notion qui lui venait à l'esprit était celle de l'enceinte, en principe infranchissable, qui sépare le cœur du réacteur du monde extérieur ; à un gardien de prison, il lui venait l'image d'une cellule d'isolement ; à une militante féministe, elle voyait l'impossibilité pour une femme d'échapper aux tâches et aux fonctions auxquelles la tradition l'a assignée ; à un militant d'extrême-droite, il imaginait dé-mondialisation et fermeture des frontières nationales.

Ces notions peuvent certes toutes se ramener à une seule : l'assignation à résidence à l'intérieur d'une délimitation de l'espace (physique ou mental) dont le franchissement est impossible ou condamnable. L'enfermement, avec un dedans et un dehors. Le confinement, c'était l'image de la forteresse, celle où l'on se défend contre ses ennemis, ou celle où l'on enferme les criminels. Mais chacun voyait le midi du confinement à sa porte.

Et voici que, par le miracle du coronavirus, le mot confinement aura acquis une signification nouvelle et partagée par tous. Ironiquement, le coronavirus aura adouci la rigueur intransigeante qui, dans la quasi-totalité de nos imaginaires, était associée à ce mot. Nous savons maintenant qu'un confinement, ce n'est, tout bien pesé, qu'une règle de principe, stricte mais souple, assortie de toutes sortes d'exceptions, d'exemptions, de laissez-passer ... mais qui, par dessus tout, n'a d'autre fonction que de protéger du malheur ceux du dedans et ceux du dehors.

Une règle humaine, en quelque sorte. Pour les inhumaines, il va falloir trouver un autre mot.

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