vendredi 8 juin 2012

Le bonheur serait-il dans le prêt ?


La fable qui suit (dont je n'ai pas réussi à identifier l'auteur original) tourne en boucle sur les sites internet. Ce qui ne l'empêche pas d'être intéressante.
L'histoire se passe dans un bourg perdu au fin fond de la Grèce (mais elle pourrait aussi bien se situer en Irlande, en Italie, en Espagne, au Portugal, ou pourquoi pas en France …).

L'ambiance est morose dans la petite ville : après une période d'euphorie où l'économie était florissante, l'activité s'est brusquement arrêtée. Chacun craint soit de ne pas pouvoir rembourser ses dettes, soit de ne pas être remboursé par ses propres débiteurs … Les habitants ont le moral dans les chaussettes.
Un soir d'automne, sous une pluie battante, une grosse Mercedes noire parcourt les rues désertes. Le conducteur, un riche touriste allemand égaré dans cette région de lui inconnue, gare son auto devant le seul hôtel de la ville. Il entre dans le modeste établissement, et demande à voir les chambres disponibles, afin d’en choisir une pour la nuit. En échange d'un billet de 100 euros, qu'il dépose sur le comptoir, le gérant de l’hôtel lui confie les clés et lui propose de choisir la chambre qui lui convient.

Dès que le touriste a disparu dans l’escalier, l’hôtelier s’empare du billet de 100 euros et se précipite chez le charcutier, son voisin, afin de lui régler les 100 euros qu'il lui doit. Le charcutier, qui doit lui-même de l’argent à l'éleveur de porcs, se rend immédiatement chez ce dernier et lui remet le billet de 100 euros. L’éleveur, à son tour, s'empresse de régler la dette qu'il avait auprès de la coopérative agricole où il achète ses fournitures. Le directeur de ladite coopérative a une sévère ardoise au bistrot du coin : il y court immédiatement acquitter son dû auprès du tenancier du débit de boisson. Le tavernier le glisse alors discrètement à la péripatéticienne locale qui lui fournit ses services à crédit déjà depuis quelques semaines. La courtisane, qui utilise régulièrement une chambre de l’hôtel pour réaliser ses prestations, court aussitôt payer sa facture à l’hôtelier. Celui-ci dépose la coupure de 100 euros sur le comptoir où le touriste allemand l’avait laissée en arrivant.
Au même moment, le touriste redescend l’escalier, indique qu’il ne trouve pas les chambres à son goût, ramasse son billet et s’en va.

Personne n’a rien produit. Mais personne n’est plus endetté : tous les protagonistes de cette histoire ont l'impression de s'être enrichis ! Du coup, le village retrouve le moral : l'hôtelier remplit à nouveau son garde-manger et le charcutier sa chambre froide, l'éleveur paie la tournée au bistrot, le cafetier file à l'hôtel s'offrir un moment d'intimité avec la demoiselle … et la vie reprend son cours heureux.
On peut s'amuser à réfléchir autour de cette parabole.


De l'importance de la liquidité
Le touriste allemand, quoique riche et solvable, n'a finalement rien acheté, ni rien laissé, repartant avec l'argent qu'il avait apporté. Il n'a en aucune façon amélioré la balance commerciale, ni la balance des paiements, du village, ni en aucune façon contribué directement à l'activité de ses habitants (à part celle, bonne pour la santé à défaut d'être immédiatement productive, de courir chez les uns et chez les autres).