samedi 28 septembre 2013

Agacement, 11



Les gens qui savent tout sur tout m'agacent.

Je ne parle pas de ceux qui croient savoir tout sur tout, mais dont la science a plus de trous que de fromage : ceux-là sont, au bout du compte, plus attendrissants qu'agaçants, dès lors qu'on prend le parti d'en sourire.

Non, je parle de ceux, ou celles, qui savent vraiment tout sur tout. Ils ont tout vu, tout lu, tout entendu, tout retenu. Et en plus, ils en parlent bien mieux que vous. Vous revenez de Bali, de Terre Adélie, ou du Machu Picchu : ils y sont allés. Vous avez vu le dernier Woody Allen, ils peuvent raconter tous ses films. D'Héraclite à Bernard-Henri Lévy, de Guillaume d'Occam à Guillaume Musso, ils connaissent tous les textes. La fugue ni le contrepoint, le rap ni le reggae, n'ont de secret pour eux. La théorie des cordes ou le boson de Higgs, non seulement ils connaissent, mais ils savent expliquer à quoi ça sert. Même les histoires drôles, ils les connaissent toutes.
 
Ayez pitié, Mesdames et Messieurs les omniscients : laissez-nous respirer, nous les humains ordinaires. Faites comme si, de temps en temps, vous ne saviez rien. Sachez tout, autant que vous voudrez, mais oubliez-le : on vous en saura gré. Et on arrêtera de maugréer.

dimanche 15 septembre 2013

Le "mariage pour tous", et après ? (2ème partie)


(pour lire la 1ère partie)

A propos de la loi, aujourd'hui adoptée par la France, autorisant le mariage homosexuel, je me suis intéressé jusqu'ici à la question de l'égalité, à celle de l'acceptation sociale de l'homosexualité, et à celle de la confusion originelle entre mariage civil et mariage religieux.

Je voudrais m’interroger maintenant sur les questions relatives à la parentalité et à la filiation, qui sont, je crois, les seules questions vraiment sérieuses à propos du mariage homosexuel, et qui seront au cœur des débats qui vont suivre immanquablement, de la PMA (procréation médicalement assistée) à la GPA (gestation pour autrui).

Les questions de la parentalité et de la filiation

Dans le débat sur le mariage homosexuel, ces questions ont été le plus souvent instrumentalisées par les opposants de principe - je veux dire que, pour beaucoup, elles ont servi de prétexte, ou de paravent, à des prises de position dont les motivations étaient moins nobles que la protection des enfants. Le "principe de précaution", ici comme dans d'autres domaines, était un argument facile pour ceux qui ne veulent rien changer. Cela n'a malheureusement pas contribué à ce que ces questions soient débattues avec la sérénité qui aurait été nécessaire. Il n'empêche : il n'est pas trop tard pour y réfléchir.

Le "mariage pour tous", et après ? (1ère partie)


(pour lire la 2ème partie)

La France, après un certain nombre d'autres pays, autorise désormais le mariage entre personnes du même sexe, ainsi que l'adoption d'enfants par les couples ainsi constitués. Pour ma part, je n'ai pas vu de raison sérieuse de m'y opposer - même si les arguments qui ont été avancés en faveur de cette évolution législative n'ont pas toujours été, loin de là, très convaincants.

Néanmoins, même si la cause est entendue, même si la messe est dite, si l'on peut dire, sur le mariage et sur l'adoption, il ne me semble pas inutile d'y revenir. Car il reste encore des questions à venir, en particulier sur la procréation médicalement assistée (PMA) et sur la gestation pour autrui (GPA).

La question de l'égalité

Un des arguments avancés par les partisans du "mariage pour tous" était celui de l'égalité entre tous les individus, quelle que soit leur orientation sexuelle et leur choix de vie. Je ne crois pas, pour ma part, qu'on doive le retenir.

L'article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 proclame que "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune". La Constitution française précise : "[La France] assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". Elle n'a pas ajouté "sans distinction de sexe" : par prudence, et par réalisme, sans doute.

Peut-on ainsi déduire du principe d'égalité devant la loi que, puisqu'un homme a le droit d'épouser une femme, une femme doit le pouvoir aussi, ou inversement ? La réponse est juridiquement non : le fait que la loi réservait jusqu'à présent le mariage à un couple formé d'un homme et d'une femme n'était pas contraire au principe d'égalité tel qu'il est défini dans la Constitution. Dans un arrêt récent, le Conseil Constitutionnel a été très clair sur ce point : "Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général" (voir cet article). Et en l'occurrence, la différenciation faite par la loi entre l'homme et la femme concernant le mariage était jugée motivée par l'intérêt général.