samedi 28 mars 2020

Chroniques de confinement, 2


















L'art de perdre, ou de gagner, c'est selon

Ce week-end, tout confinés que nous sommes, nous changeons d'heure.

Et comme à chaque printemps, comme à chaque automne, nous nous reposons encore et encore la même question : est-ce que cette heure, de plus, ou de moins, d'avance, ou de retard, est-ce que nous la perdons, ou est-ce que nous la gagnons ?

Le journal "le Monde" titrait ce matin sur le sujet : "Dans la nuit de samedi à dimanche, on perd une heure de confinement". Voilà un journal qui ne doute de rien - et surtout pas de lui, mais on le savait déjà. "On perd une heure" : la phrase sonne clair et net. Comment se fait-il alors qu'après l'avoir lue, je me demande encore si cette nuit sera plus courte, ou plus longue, d'une heure ?

Si on me disait, pendant que je suis en train de boire une Caïpirinha sur une plage paradisiaque à l'ombre des palétuviers (c'est une situation imaginaire, je précise), que j'allais "gagner une heure de soleil", je comprendrais assez vite - à la vitesse maximale que me permettrait la quantité de liquide ingérée préalablement - qu'il s'agit assez vraisemblablement d'une heure de soleil en plus. Mais si j'entendais les mêmes mots prononcés alors que je suis en train de courir le Marathon des Sables sous 50° de chaleur en ayant épuisé mes réserves d'eau (c'est une situation tout aussi imaginaire, je précise encore), je penserais - s'il me restait suffisamment de neurones en état de fonctionnement - qu'on me promet une heure de soleil en moins.

Plus, moins, perdre, gagner, c'est selon. Qui perd gagne, disait l'un. Les premiers seront les derniers, et réciproquement, disait l'autre. Il est décidément bien difficile de comprendre le monde dans lequel on vit. Bien difficile de se comprendre les uns les autres - sans parler de la difficulté, guère moindre, de se comprendre soi-même.

Ainsi, perdre une heure de confinement, est-ce rester confiné une heure de plus, ou une heure de moins ? L'incertitude demeure. Vivement qu'on en finisse avec le confinement et avec le changement d'heure, on pourra enfin commencer à réfléchir aux vraies questions.

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1 commentaire:

  1. Bonjour Enkidou...
    Confinement général et obligatoire !…
    Le message passe en continu sur l’écran de la télévision… On le répète sans cesse sur les antennes de toutes les radios…
    Confinement… qu’est-ce que ça va changer à sa vie ?
    Voilà des années qu’elle vit seule dans sa petite maison au bout de l’impasse. Elle ne s’ennuie pas ; elle passe les saisons en fleurissant ses fenêtres : d’abord les primevères… puis les géraniums… les œillets de juillet… et enfin les chrysanthèmes aux grosses têtes folles, tout ébouriffées.
    Chaque jour, à la même heure, elle va au pain, comme on disait dans sa jeunesse ! Le samedi, il lui arrive de croiser un voisin… un sourire de l’un, un signe de la main… "Bonjour … vous allez bien ?" lance le moins pressé sans trop se préoccuper de ce qu’elle répondra.
    Confinement… voilà longtemps qu’elle vit ainsi. Seule ? Pas tout à fait… elle a son chagrin pour compagnon, un chagrin qui lui broie le cœur depuis tant et tant, depuis que le seul amour de sa vie l’a abandonnée pour un monde prétendu meilleur.
    Les enfants se sont éparpillés, l’un en Australie, l’autre en Asie, le troisième à mille kilomètres de là.
    - Allo Maman ? Tu vas bien ?
    - Oui mon petit ! Et toi ?
    - Ça va ! Surtout, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu dis, tu n’hésites pas.
    - Ne t’inquiète pas…
    - Alors, à bientôt ! Je n’ai pas bien le temps là… Je t’embrasse !

    "Si tu as besoin de quoi que ce soit…" Ce qu’elle voudrait, c’est les serrer dans ses bras, les retrouver tous autour de la table, les entendre s’interpeler, se chamailler, et rire… comme autrefois…

    Confinement général et obligatoire !…
    Il a duré des semaines, des mois… Et puis ce fut la liberté ! Les voisins ont chanté, dansé, ils se sont embrassés. Enfin sortir, se promener, aller travailler !
    L’un a remarqué les volets fermés de la petite maison au fond de l’impasse :
    - Bah… ses enfants ont dû venir la chercher…

    Quand le printemps suivant est arrivé, ils se sont pourtant inquiétés.
    - C’est bizarre quand même… ça fait des mois… Faudrait peut-être aller voir…
    La porte n’était pas fermée ; ils n’ont eu qu’à la pousser… Ils l’ont trouvée comme recroquevillée dans son fauteuil, avec une photo jaunie dans les mains… la photo de deux amoureux, jeunes mariés.
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    DiwanC

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