dimanche 29 mars 2020

Chroniques de confinement, 3















COVID-19 : j'embrasse (avec) la langue

Commençons par le commencement.

Au commencement, donc, il y a virus. Au sens biologique actuel, un virus est un microorganisme infectieux doté d'un seul type d'acide nucléique (ARN ou ADN), qui modifie le patrimoine génétique de la cellule infectée. Selon mon ami Wikipedia, "les virus utilisent la machinerie cellulaire de l’hôte pour se reproduire à l’intérieur même de la cellule" : de ce fait, "il est difficile de les éliminer sans tuer la cellule hôte". Le virus utilise ainsi, pour mener à bien ses sombres desseins, au moins deux des procédés communs aux stratèges de toutes les guerres : le cheval de Troie, et le bouclier humain. En résumé, un virus, c'est (très) petit, (très) méchant, et (très) malin(*).

Le mot virus, comme son apparence le laisse penser, est à l'origine un mot latin, qui peut se traduire notamment, selon mon ami Gaffiot, par "suc, jus, humeur, venin, poison, mauvaise odeur, puanteur, infection". En dérivent par exemple les mots virulentia, mauvaise odeur ou infection, ou virulentus, venimeux. C'est seulement à la fin du XVème siècle qu'il a pris l'acception actuelle d'agent de transmission d'une maladie. Et je précise, à toutes fins utiles, qu'il n'y a aucun rapport virus et vir, l'homme, qui a donné virilitas (ouf !).

Quant à corona, c'est le mot latin signifiant couronne (du grec ϰορώνη, chose courbe). Les adjectifs coronal, coronaire ou coronarien (sans rien, complèterait un plaisantin de mes amis) proviennent de la même racine. La couronne a aussi inspiré nombre de brasseurs (de dentistes aussi, mais ça n'a rien à voir avec le sujet), comme celui de la célèbre bière mexicaine Corona, dont le virus a contribué à accroître encore la notoriété, bien qu'elle n'y soit pour rien.

Le coronavirus est donc, comme nul ne peut plus l'ignorer à moins d'être aveugle et sourd, ou de vivre confiné à l'écart de la civilisation, un virus à couronne. Il porte le même nom, ou à peu près, dans presque toutes les langues du monde. Par exemple, il s'appelle en arabe فيروس كورونا   (qui se prononce à peu près fayrus kuruna, approximation phonétique de virus corona en anglais). Les Chinois ont choisi quant à eux de traduire littéralement l'expression coronal virus en le nommant 冠狀病毒 (guānzhuàng bìngdú, virus en forme de couronne).

Il fallait évidemment donner un nom propre à notre coronavirus commun : la guerre est plus difficile à mener contre un adversaire qui, non content de n'avoir ni visage, ni nationalité, ni frontière ... (ça me rappelle vaguement quelque chose, mais quoi ?), n'a de surcroît pas de nom. Celui de COVID-19(**) s'est finalement imposé.

Et c'est là que je m'interroge, je m'inquiète, je m'angoisse : où sont passés les irréductibles défenseurs de la francophonie dans sa pureté endogène ? Auraient-ils baissé leur garde ? Leur vigilance aurait-elle été prise en défaut ? Le virus les aurait-il tout soudainement frappés de cécité ou de mutité ?

Parce que COVID, c'est l'acronyme de Coronavirus Disease. Alors quoi ? Vont-ils se laisser imposer cet anglicisme sans réagir ? On attend impatiemment la pétition des apôtres zélés du confinement linguistique intégral pour que s'éteigne chez nous l'étoile du COVID, et que la remplace enfin celle, tellement plus française, du COVIM.
_________________________________

(*) Un peu comme Sarko, mais en beaucoup plus petit, beaucoup plus méchant, et beaucoup plus malin. Je parie que le virus subira néanmoins in fine le même sort que Sarko : vaincu, éliminé, éradiqué.
(**) Ce n'est pas le virus lui-même, mais la maladie qu'il provoque, qui a été ainsi baptisée. Le virus, lui, porte le nom charmant de SARS-CoV-2, SARS étant bien sûr lui aussi un acronyme anglais (pour Severe Acute Respiratory Syndrome).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire