dimanche 6 mai 2012

Pour Hollande, le vrai travail, c'est maintenant

Source : c'politic!

La France s'endormira ce soir avec un nouveau président élu. Sans surprise, mais avec des sentiments divers.

Pour beaucoup, qui non seulement voulaient se débarrasser de Sarkozy, mais font confiance à Hollande pour améliorer leur vie et celle des Français en général, c'est une joie sans mélange. Cette joie, comme toujours, sera la plus visible et la plus bruyante. Qu'ils en profitent, il n'est pas certain que leur joie dure aussi longtemps que les impôts.

Dans les jours qui viennent, on n'entendra guère les autres. Et pourtant, il ne faudrait pas les oublier, parce qu'un jour ou l'autre ils demanderont, eux aussi, des comptes.

Pour une grosse minorité, tous ceux qui ont voté Sarkozy, que ce soit, pour une assez faible part probablement, par adhésion à sa personne et à sa politique, ou que ce soit, pour la plupart sans doute, par rejet de son adversaire, c'est évidemment la déception qui domine, et la crainte d'un avenir pire que le présent.

Pour quelques uns même, ceux qui imaginent avec terreur Hollande transformer la France en un mélange de pays des soviets et d'annexe de l'Afrique du Nord, c'est l'angoisse.

Et pour les autres, ceux chez qui le rejet de Sarkozy, de ses pompes et de ses œuvres (sans compter celui de ses ouvriers), l'emportait sur tout le reste, mais qui n'ont pas trouvé chez Hollande de motifs à s'enthousiasmer, c'est tout simplement un soulagement.

Un soulagement parce qu'ils souhaitaient, qu'ils espéraient que Sarkozy, progressivement passé d'un volontarisme un peu agité, mais plutôt œcuménique, à un encouragement insupportable au repli identitaire, laisse la place.

Mais pour nombre d'entre eux, dont je fais partie, ce soulagement est mêlé d'inquiétude. Parce que Hollande, malgré sa bonhomie et sa bonne volonté, n'a pas démontré au cours de cette campagne sa capacité de remettre la France dans le sens de la marche. Certains se demandent même si ce n'est pas la marche arrière qui est enclenchée.

On a beaucoup glosé, après le premier tour, sur le score élevé obtenu par Marine Le Pen. Nombreux sont ceux qui s'en sont inquiétés.

Je ne suis pas sûr que ce soit du score de Marine Le Pen qu'il faille s'inquiéter : il n'est que la partie visible, mais assez inoffensive en réalité, d'un iceberg bien plus inquiétant.

D'après Geluck

Car tous les candidats, à une ou deux exceptions près, ont tenu des discours bien plus proches du sien que ce qui est dit le plus souvent : cette campagne, du début à la fin et de la droite à la gauche, s'est tenue autour des thèmes portés par la candidate du front National, en en reprenant, quoi qu'en disent les autres candidats et mal gré qu'ils en aient, les principales orientations.

Reprenons un à un ses principaux thèmes de campagne.

L'immigration ? La différence est bien ténue, sur le fond, entre les discours respectifs de Hollande, de Sarkozy et de Le Pen sur ce thème. Tous s'accordent pour dire, chacun à sa manière, qu'il faut limiter l'immigration - façon de dire, avec plus ou moins de brutalité, que les immigrés ne sont pas les bienvenus. La principale différence entre les candidats sur ce point, c'est la façon de le dire - ce qui n'est pas rien.
La laïcité ? C'est une belle idée, la laïcité, quand elle est associée au respect des personnes et des croyances. Mais quel malencontreux hasard fait qu'elle n'est invoquée, en pratique, qu'aux dépens des musulmans ?
L'Europe ? Quels candidats, à part François Bayrou et Eva Joly, ont osé présenter l'Europe sous un jour positif ? Au contraire, aussi bien François Hollande que Nicolas Sarkozy, comme Marine Le Pen, ne l'ont soutenue que du bout des lèvres, lui accordant nombre de vices et bien peu de vertus, sans dire un seul mot sérieux sur ses perspectives, à part quelques rodomontades. Quant à la sortie de l'euro, elle est soutenue aussi bien par l'extrême droite que par l'extrême gauche, et le seul motif qu'ont donné les "grands" candidats pour ne pas les suivre est la crainte que les conséquences ne soient pires que le mal.
Le protectionnisme ? Presque tous les candidats, de l'extrême gauche à l'extrême droite, à des degrés divers, s'y sont déclarés favorables. Quel candidat a eu le courage de dire aux Français que la mondialisation est une chance pour la France, à condition que nous acceptions de nous confronter au reste du monde, et le protectionnisme un piège mortel ?
La moralisation de la vie publique ? Chacun y est allé de ses propositions - et il est juste de dire qu'il y a du travail pour vaincre le sentiment de "tous pourris" qui nourrit le Front National.
La domination de la finance ? Elle a été dénoncée à l'envi par à peu près tous les candidats, sur la totalité de l'échiquier politique, comme si les excès de la finance, bouc émissaire facile, pouvaient exonérer les politiques de leur responsabilité, et les citoyens de leurs efforts.
La sécurité ? Là encore, où sont les différences ?
J'arrête là mon énumération.

On ne peut pas s'étonner, dans ces conditions, du score élevé de Marine Le Pen. Je m'étonne plutôt qu'il n'ait pas été plus élevé encore. Mais il risque de l'être aux prochaines élections : l'ensemble des partis reprenant en chœur les thématiques du Front National, et le vote Front National perdant progressivement son caractère sulfureux et inavouable, qu'est-ce qui pourra retenir les électeurs ?

Et ce n'est pas en en renvoyant la "faute" sur Nicolas Sarkozy que les autres partis, le Parti Socialiste en premier lieu, s'en dédouaneront.

Ce qui est fait est fait, ce qui a été dit l'a été. François Hollande devra s'en accommoder. Je crains fort, pour ma part, que cette campagne myope, rétrécie et régressive, dans laquelle l'avenir et le monde extérieur - sans oublier l'Islam, érigé au statut d'ennemi intérieur - n'ont été présentés que comme des menaces contre lesquels il faudrait se prémunir, ne constitue pas la meilleure base de départ pour réussir.

Et je ne serais pas si surpris si, avant longtemps, les Français se prenaient à regretter Nicolas Sarkozy, comme ils ont regretté, après les avoir congédiés, tous leurs souverains passés.

Il est vrai que j'ai, jusqu'ici, sous-estimé François Hollande : je ne l'avais pas cru capable de gagner les primaires, j'avais même envisagé qu'il puisse perdre cette élection, pourtant gagnée d'avance. La bataille qu'il commence maintenant est, de très loin, la plus importante, et la plus difficile. Puissé-je me tromper encore une fois !

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