samedi 22 septembre 2012

François Hollande : 1ère évaluation trimestrielle

© Philppe Pouzaud, dit Grissôme

François Hollande n'avait pas été, jusqu'au printemps dernier, un sujet particulièrement brillant : il s'était surtout distingué, parmi ses camarades, par son sens de l'humour, et sa capacité à ne fâcher personne (à l'exception de son épouse, mais c'est une autre histoire).

Sa réussite au concours le plus prestigieux de la République (non, je ne parle pas de Normale, même s'il en a été beaucoup question dans la campagne, ainsi qu'en ville d'ailleurs, mais de l'élection présidentielle), a donc été, pour beaucoup, une surprise.

Du coup, on attend peu de lui : on ne pourra donc, au mieux, qu'être déçu en bien, comme disent nos amis suisses.

Le véritable adversaire de François Hollande n'est pas, comme il l'a dit un jour, la finance : son véritable adversaire, c'est lui-même. Le problème en effet, c'est qu'il n'a guère que deux solutions, compte tenu de la teneur de son oral au concours : soit faire ce qu'il a dit, ce qui, pour une grande part, ne serait pas particulièrement judicieux ; soit ne pas le faire, ou faire le contraire, et un certain nombre de gens lui en voudront. Pile tu gagnes, face je perds : c'est en résumé ce qui l'attend, en toute normalité, au prochain concours, dans cinq ans.

Même si le contrôle continu n'est pas la règle de fonctionnement de notre système démocratique, dans lequel seul l'examen final compte, j'ai eu envie, après son premier trimestre d'exercice(s), de faire une évaluation de son travail. Notée, comme il se doit, par matière, sur la base d'une grille de notation on ne peut plus personnelle.

samedi 7 juillet 2012

L'"affaire Nasri" : cachez ce sein …

ou : Nasri, bouc émissaire idéal ?


"Le premier qui dit la vérité / Il doit être exécuté", chantait jadis Guy Béart. J'ai un peu l'impression que ce constat s'applique assez bien, ces jours-ci, à Samir Nasri, qui a eu le mauvais goût d'insulter, non pas un arbitre, non pas un spectateur qui avait payé sa place, non, bien pire que cela : un journaliste, qui tentait de l'interviewer à la suite du match perdu par l'équipe de France contre l'Espagne lors de l'Euro 2012.

Loin de moi l'idée de considérer Samir Nasri comme une victime : il est trop bien payé, et il a trop cherché ce qui lui arrive, pour qu'on en fasse un martyr.

Mais si l'on y regarde bien, l'"affaire Nasri", et les vagues qu'elle a provoquées, pourraient constituer un reflet à peine déformé de quelques unes des faiblesses, ou des tares, de notre société, faiblesses ou tares qu'elle a du mal à admettre, et que le recours à un "bouc émissaire" permet commodément de continuer à se cacher à elle-même.

vendredi 8 juin 2012

Le bonheur serait-il dans le prêt ?


La fable qui suit (dont je n'ai pas réussi à identifier l'auteur original) tourne en boucle sur les sites internet. Ce qui ne l'empêche pas d'être intéressante.
L'histoire se passe dans un bourg perdu au fin fond de la Grèce (mais elle pourrait aussi bien se situer en Irlande, en Italie, en Espagne, au Portugal, ou pourquoi pas en France …).

L'ambiance est morose dans la petite ville : après une période d'euphorie où l'économie était florissante, l'activité s'est brusquement arrêtée. Chacun craint soit de ne pas pouvoir rembourser ses dettes, soit de ne pas être remboursé par ses propres débiteurs … Les habitants ont le moral dans les chaussettes.
Un soir d'automne, sous une pluie battante, une grosse Mercedes noire parcourt les rues désertes. Le conducteur, un riche touriste allemand égaré dans cette région de lui inconnue, gare son auto devant le seul hôtel de la ville. Il entre dans le modeste établissement, et demande à voir les chambres disponibles, afin d’en choisir une pour la nuit. En échange d'un billet de 100 euros, qu'il dépose sur le comptoir, le gérant de l’hôtel lui confie les clés et lui propose de choisir la chambre qui lui convient.

Dès que le touriste a disparu dans l’escalier, l’hôtelier s’empare du billet de 100 euros et se précipite chez le charcutier, son voisin, afin de lui régler les 100 euros qu'il lui doit. Le charcutier, qui doit lui-même de l’argent à l'éleveur de porcs, se rend immédiatement chez ce dernier et lui remet le billet de 100 euros. L’éleveur, à son tour, s'empresse de régler la dette qu'il avait auprès de la coopérative agricole où il achète ses fournitures. Le directeur de ladite coopérative a une sévère ardoise au bistrot du coin : il y court immédiatement acquitter son dû auprès du tenancier du débit de boisson. Le tavernier le glisse alors discrètement à la péripatéticienne locale qui lui fournit ses services à crédit déjà depuis quelques semaines. La courtisane, qui utilise régulièrement une chambre de l’hôtel pour réaliser ses prestations, court aussitôt payer sa facture à l’hôtelier. Celui-ci dépose la coupure de 100 euros sur le comptoir où le touriste allemand l’avait laissée en arrivant.
Au même moment, le touriste redescend l’escalier, indique qu’il ne trouve pas les chambres à son goût, ramasse son billet et s’en va.

Personne n’a rien produit. Mais personne n’est plus endetté : tous les protagonistes de cette histoire ont l'impression de s'être enrichis ! Du coup, le village retrouve le moral : l'hôtelier remplit à nouveau son garde-manger et le charcutier sa chambre froide, l'éleveur paie la tournée au bistrot, le cafetier file à l'hôtel s'offrir un moment d'intimité avec la demoiselle … et la vie reprend son cours heureux.
On peut s'amuser à réfléchir autour de cette parabole.


De l'importance de la liquidité
Le touriste allemand, quoique riche et solvable, n'a finalement rien acheté, ni rien laissé, repartant avec l'argent qu'il avait apporté. Il n'a en aucune façon amélioré la balance commerciale, ni la balance des paiements, du village, ni en aucune façon contribué directement à l'activité de ses habitants (à part celle, bonne pour la santé à défaut d'être immédiatement productive, de courir chez les uns et chez les autres).


samedi 26 mai 2012

George P. Pelecanos, l'Amérique en noir et blanc

Je ne connaissais pas Pelecanos avant de lire ces deux romans, Blanc comme neige et Tout se paye, parus respectivement en 2002 et 2003. Je ne regrette pas de les avoir lus : Pelecanos est un très bon romancier, de ceux qui changent votre façon de voir les choses et les gens.

Les personnages principaux, ce sont Derek Strange, un ancien policier noir reconverti en détective privé, et Terry Quinn, un ancien policier blanc exclu de la police suite à une "bavure", et dont Strange va faire son associé.
Le décor, c'est Washington DC, la capitale des Etats-Unis d'Amérique, la ville de la Maison Blanche et du Congrès. Et pourtant ce n'est pas la même ville. " Les gens dont je parle dans mes livres se foutent de la Maison Blanche. La capitale fédérale est invisible pour eux", dit Pelecanos dans un interview. "[...] ne jamais en parler, c’est en quelque sorte [...] une manière de dire que la politique nationale américaine ne concerne pas la vie quotidienne des gens."
Le Washington de Pelecanos, c'est "chocolate city", comme la surnomment les Américains : c'est la ville dont la majorité des habitants sont des Noirs. Et ce qui l'intéresse, lui qui a grandi, et vit toujours, dans cette ville, c'est justement les gens : comment ils vivent dans cette ville profondément imprégnée par la violence, le racisme, la pauvreté, la drogue. Comment ils peuvent vivre malgré tout.



vendredi 11 mai 2012

Le Cri, la Crise, le Krakatoa, et le rhinocéros de Java (2ème partie)


(1ère partie)

Deux milliards et demi de pauvres dans le monde


2 dollars par jour : il faudrait donc à l'un de ces pauvres plus de 60 millions de jours, soit 164 000 années, pour accumuler les 120 millions nécessaires à l'achat du tableau.

Quel rapport, me direz-vous ? Aucun, à première vue : je ne fais pas partie de ceux qui croient que, s'il y avait moins de riches, ou si les riches l'étaient un peu moins, il y aurait moins de pauvres.

Et pourtant …

Le Cri, la Crise, le Krakatoa, et le rhinocéros de Java (1ère partie)


Une des versions du Cri, l'œuvre la plus connue d'Edvard Munch et l'une des plus célèbres de l'histoire de la peinture, vient d'être achetée pour 120 millions de dollars lors d'une vente aux enchères à New York, par un acquéreur inconnu.

Cette vente record n'est qu'une parmi de multiples illustrations du fait que, malgré la Crise (ou à cause d'elle ?), le marché de l'art se porte à merveille, comme le montre aussi cette autre vente record(près de 400 millions de dollars au total) réalisée le 8 mai par Christie's.

Au même moment il y a dans le monde, selon la Banque Mondiale, 2,5 milliards de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour.

Quel rapport, me direz-vous ? On va le voir - non sans parcourir quelques chemins de traverse.

lundi 7 mai 2012

Si j'étais Président



Si j'avais été, hier soir, élu Président, voici le discours que j'aurais tenu aux Français.

 "Je voudrais m'adresser d'abord, ce soir, à tous ceux d'entre vous qui avez voté pour moi.

Je suis conscient de l'honneur que vous m'avez fait, mais je suis aussi, je suis surtout, conscient du poids de la responsabilité que vous m'avez confiée. C'est à moi, désormais, de m'en montrer digne.

Je sais que beaucoup, parmi vous, ont voté pour moi moins par adhésion à ma personne ou à mon programme que par rejet du Président sortant. Je ne l'oublierai pas, et je vous demande de ne pas l'oublier non plus.