mercredi 7 décembre 2011

Présidentielle 2012 : quatre candidats pour deux places en finale


On le sait bien, mais on l'oublie parfois : pour envisager de gagner l'élection présidentielle en mai prochain, il faut d'abord se qualifier pour le second tour.

Vu d'aujourd'hui ils sont quatre, parmi les candidats déclarés ou présumés, à avoir une chance de figurer à ce second tour : deux favoris, François Hollande et Nicolas Sarkozy ; deux outsiders, François Bayrou et Marine Le Pen.

Quatre postulants pour deux places en finale : dans cette campagne qui s'engage, quelles sont leurs faiblesses et leurs atouts respectifs ?

François Bayrou

François Bayrou a pour lui la solidité, la constance, la clarté du positionnement. On ne peut lui contester le mérite d'avoir, plus tôt et plus fort que ses concurrents, averti des risques que nous faisait courir une politique de déficits excessifs. On ne peut l'accuser de racolage électoral, ni du côté sarkozyste, ni encore moins du côté lepéniste. On ne peut pas plus lui reprocher de rouler pour l'un ou l'autre de ses adversaires.

Il n'a pas à se soucier de complaire ou de déplaire à son parti, qui se réduit à guère plus que lui-même et quelques fidèles. Ni d'être contraint de démentir ou de recadrer ses partisans, qui se comptent pour l'instant sur les doigts d'une main (allez, peut-être deux). Ni de se faire brocarder par ses alliés, puisqu'il n'en a pas.

Ne pas avoir d'amis en politique, c'est bien pratique : ça permet de n'avoir à se garder que de ses ennemis. Et d'ennemis, pour l'instant, François Bayrou n'en a guère plus que d'amis : comment pourrait-on dire du mal d'un homme qui, avec moins de 10% des intentions de vote, ne semble pas risquer de faire tomber au premier tour l'un ou l'autre des favoris, mais qui pourrait, pour le second, faire pencher la balance en faveur de l'un d'eux ?

Bien sûr, son éventuelle remontée dans les sondages le rendrait dangereux, notamment parce qu'il pourrait alors contribuer à une éventuelle qualification pour le second tour de Marine Le Pen aux dépens de François Hollande ou de Nicolas Sarkozy : mais même dans ce cas, l'un comme l'autre resteraient contraints de conserver une certaine retenue à son égard, car sa voix comptera, quoi qu'il arrive, au soir du premier tour.

François Bayrou est clairement et profondément européen, laïque, social-démocrate. En un mot, il est centriste, résolument, et fier de l'être.

Centriste, c'est bien sûr aussi sa principale faiblesse. La meilleure démonstration en a été faite lors de la présidentielle de 2007 : près de 19% des voix au premier tour, et puis plus rien, la disparition brutale, le néant. La question est cette fois encore la même : au-delà d'un MoDem squelettique, avec qui François Bayrou peut-il s'allier pour construire autour de lui une majorité de gouvernement ?

François Bayrou pourrait profiter de la combinaison du rejet de Nicolas Sarkozy et de l'affaiblissement de François Hollande pour prendre à ce dernier la place d'opposant principal. Son potentiel de voix, dans ce contexte, est certainement largement supérieur à 20%. L'enjeu de la campagne sera pour lui de convaincre qu'il est un vainqueur possible, ce qui suppose qu'il donne une crédibilité à l'idée d'une majorité dont il serait, cette fois, non plus l'appoint, mais le centre : qu'il apparaisse non seulement centriste, mais aussi central.

François Hollande

François Hollande est entré dans la campagne avec deux atouts majeurs : le fort sentiment anti-sarkozyste qui semble s'être installé dans une part importante de l'électorat, et sa large victoire aux primaires socialistes. Il dispose de plus, au moins en principe, du soutien du PS, de ses moyens financiers, de ses élus et de ses militants.

Le début de sa campagne a rapidement révélé ses faiblesses.

Sa première faiblesse, c'est l'extrême dispersion idéologique de son camp, et l'éparpillement des voix qu'elle risque d'engendrer. L'épisode rocambolesque de l'accord entre le PS et les Verts en est un exemple : sur le nucléaire, l'électorat potentiel de François Hollande est éclaté entre des anti-nucléaires farouches et d'aussi farouches pro-nucléaires. Même situation sur l'Europe : le PS lui-même est divisé entre les pro-européens et les souverainistes, sans parler de ses satellites qui le sont tout autant. Même chose encore sur les alliances potentielles.

François Hollande va ainsi payer le fait que la primaire, si elle lui a donné une légitimité au sein du PS, ne lui a pas donné cette légitimité pour l'ensemble de la gauche, et qu'une partie importante de cette gauche va continuer à porter dans cette campagne des thèmes qui ne sont pas les siens, comme l'anti-mondialisme, et qui auront d'autant plus de succès qu'ils surfent sur la crise.

Ainsi, aussi bien Eva Joly que Jean-Luc Mélenchon, qui portent leur radicalisme respectif d'autant plus haut et fort qu'ils n'ont rien à perdre dans cette élection, et qui auront d'autant plus de succès que leurs combats sont populaires et que François Hollande peut difficilement apparaître comme porteur des thèmes qu'ils défendent, pourraient bien prendre à ce dernier des voix précieuses pour l'accès au second tour.

Sa deuxième faiblesse, c'est, paradoxalement, sa situation vis-à-vis du PS. Certes, il a été choisi par les militants. Mais il n'est pas le patron du parti. Bien sûr, personne ne fera rien contre lui de façon visible, au risque de passer pour un traître. Mais qui peut croire que le soutien de ceux qui l'ont si souvent et si fortement combattu ou brocardé sera sans faille ?

Sa troisième faiblesse, que la primaire socialiste a contribué à mettre en exergue, et que ses adversaires d'aujourd'hui ne manqueront pas d'exploiter jusqu'au dernier jour, c'est lui-même. Ses concurrents socialistes n'avaient pas manqué de le répéter durant les primaires, et le début de campagne n'a pas apporté là-dessus de démenti flagrant : François Hollande manque dramatiquement de charisme. La conséquence est que le flou de son positionnement sur la plupart des grands sujets, flou que lui impose l'hétéroclisme de ses soutiens, n'apparaît plus comme une habileté, comme c'était le cas chez un François Mitterrand, mais comme un défaut de vision et de caractère.

Rassembler l'électorat dit de gauche, qui va de Mélenchon à Joly en passant par Montebourg et Chevènement, n'est pas une mince affaire. Et se mettre en situation de gagner l'élection suppose de préparer en même temps les ralliements de l'entre deux tours. Les seuls supports fermes sur lesquels François Hollande peut s'appuyer sans se renier ni heurter une partie de son électorat potentiel, c'est l'anti-sarkozysme et l'anti-lepénisme : sera-ce un viatique suffisant pour rester en vie au soir du premier tour ?

Marine Le Pen

Lorsque, en mars dernier, un sondage avait pour la première fois donné Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle avec 23% des voix, devant Nicolas Sarkozy et Martine Aubry, beaucoup s'étaient étonnés, émus, ou inquiétés.

Je m'étais pour ma part étonné de l'étonnement que ce sondage avait suscité. Depuis des mois en effet, on assistait à une déferlante de gestes et de déclarations venant de toutes parts, en particulier du gouvernement, de la majorité présidentielle et de ses soutiens, qui ne pouvaient avoir pour effet que de dé-diaboliser le discours du Front National, en en reprenant les thèmes favoris que sont l'immigration, l'"identité nationale", l'insécurité, etc.

Voici ce que j'écrivais alors : "Habilement, Marine Le Pen, sans rien renier des idées défendues par son père, mais en en gommant les aspects les plus provocateurs, est devenue tout simplement fréquentable : il n'est que de voir la différence de traitement, de la part des journalistes, par rapport à lui. Une femme fréquentable, défendant des idées fréquentables puisque défendues par quantité d'autres gens fréquentables : voilà ce qu'est aujourd'hui Marine Le Pen."

Au-delà des thèmes classiques de la droite extrême, la crise a conforté le discours populiste que porte Marine Le Pen sur les méfaits supposés, aux dépens des classes populaires, de la finance, du capitalisme sauvage, de la mondialisation, de l'euro, .... Et ce d'autant plus facilement que ce discours n'est pas vraiment différent de ceux d'un Montebourg ou d'un Mélenchon sur les mêmes thèmes : Marine Le Pen s'appuie d'ailleurs sur cette évidente convergence pour récuser son appartenance à l'extrême-droite, voire même à la droite.

Elle peut sans mal, plus encore que François Hollande, tirer bénéfice de l'anti-sarkozysme de la majorité des électeurs.

Et il est difficile de nier son remarquable talent oratoire dans le registre démagogique et populiste, talent dans lequel elle excelle plus encore que son père.

Mais alors, qu'est-ce qui peut l'empêcher d'être présente au second tour ?

Sans doute pas la diabolisation : il est peu probable que la stratégie de l'épouvantail fonctionne aussi bien que du temps du papa. Peut-être un reste de retenue, liée à la rémanence de l'image du père, ou à l'idée encore vivante que l'extrême-droite, même lorsqu'elle ne se présente plus comme telle, reste dangereuse. Peut-être aussi le sentiment diffus que, sous les belles paroles, les solutions qu'elle propose ne sont ni réalistes ni efficaces ?

Nicolas Sarkozy

Il y a quelques semaines, peu nombreux, même parmi ses partisans, étaient ceux qui auraient parié sur la réélection de Nicolas Sarkozy. L'affaire était entendue : trop de promesses non tenues, trop d'inconstance et d'incohérences, trop de vaine agitation, trop de rodomontades, trop de bling-bling, trop de complaisance avec les puissants, trop de cadeaux aux riches, une impuissance totale face à la crise ... Il semblait presque évident que le candidat du PS, quel qu'il soit, porté par la dynamique de la primaire, n'avait plus qu'à attendre que la victoire, comme le perdreau, lui tombe toute cuite dans le bec. On se prenait même à douter que Sarkozy soit qualifié pour le second tour.

Mais voici que l'aggravation de la crise a permis à Nicolas Sarkozy de se refaire une stature et, par la même occasion, une virginité - ou en tout cas de faire comme si ; que Jean-Louis Borloo a renoncé à se présenter, lui apportant un réservoir de voix non négligeable ; que François Hollande, bien aidé, il faut le dire, par ses alliés, a multiplié les erreurs et les approximations dans son début de campagne.

En quelques semaines, la conjugaison de ces événements a ramené Nicolas Sarkozy au dessus de 25% des intentions de vote au premier tour.

Les forces de Nicolas Sarkozy, outre les faiblesses de ses adversaires, ce sont l'énergie, et le verbe. Auxquelles il faut ajouter la capacité d'oubli dont sont capables de faire preuve les électeurs. S'appuyant sur elles, il a la capacité de faire oublier aux Français qu'il est le principal responsable de la situation dans laquelle est la France aujourd'hui, situation certes moins dramatique que d'autres pays, mais pas réjouissante pour autant, et de les convaincre qu'il est le mieux à même de la rétablir.

Bien entendu, aucune des raisons, de fond ou de forme, qui avaient conduit les électeurs à souhaiter très majoritairement son départ de l'Elysée, n'a disparu. Malgré sa remontée récente dans les sondages, le niveau de rejet à son égard est resté très élevé dans l'opinion. La crise, et la mise en scène de son engagement résolu à la combattre en étroite coopération avec Angela Merkel, peuvent jouer en sa faveur si la situation s'améliore : mais elles peuvent aussi profiter plus encore à Marine Le Pen si elle s'aggrave. Et la versatilité de l'électorat n'est plus à démontrer : il suffirait peut-être de presque rien pour que le mouvement s'inverse à nouveau.

En conclusion

Pour se qualifier pour le second tour, il faudra très probablement dépasser nettement le seuil de 20% des voix au premier. Les quatre postulants en ont le potentiel. Mais avril est encore loin.

Deux d'entre eux bénéficient à la fois d'un niveau d'intentions de vote élevé et d'une dynamique positive, tirant tous deux parti à la fois de la gravité de la crise et de la faiblesse de leurs adversaires : Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen.

François Bayrou, à ce jour très en retard dans les sondages, est lui aussi dans une dynamique positive, dont il va falloir suivre l'évolution. Ses chances sont certes faibles de revenir au niveau de ses adversaires, mais pas tout à fait nulles cependant.

Quant à François Hollande, en tête pour l'instant des intentions de vote, il peine à trouver sa voie dans cette campagne : s'il ne s'affirme pas rapidement comme une alternative solide à Nicolas Sarkozy, on ne peut pas exclure que le premier tour d'avril 2012 ressemble à un certain 21 avril 2002, où Lionel Jospin a dû laisser la place à Jean-Marie Le Pen au second tour face à Jacques Chirac.

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