jeudi 14 avril 2011

Les 30 propositions du PS : combien ça vaut ?


Le PS a publié ses "30 propositions" en vue de la présidentielle de 2012.

Ces propositions feront probablement partie du programme du candidat socialiste en 2012 : elles méritent donc qu'on s'y intéresse de près.

Ce n'est pas un chiffrage financier de ces propositions que je tente ici, mais une évaluation, au sens scolaire, de la copie, manifestement sérieuse et appliquée. Mes critères de notation sont évidemment subjectifs. Je me suis efforcé néanmoins de me fonder sur :
  • le bon sens
  • l'évaluation des conséquences possibles, en termes économiques en particulier
  • mon "système de valeurs" personnel,
et de justifier mes choix.

Chaque proposition est notée sur une échelle de 0 à 10. Chaque note est accompagnée de commentaires.
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"1. Pour muscler la compétitivité de la France, nous créerons une Banque publique d’investissement, qui investira dans la recherche et l’innovation, soutiendra les PME-PMI, prendra des participations dans les activités stratégiques et les filières industrielles d’avenir, et dont les moyens seront mobilisés sous la forme de fonds régionaux en copilotage avec les régions et leurs élus."
Note : 7/10


Pour. L'idée d'une banque publique ayant vocation à investir dans l'innovation et les projets d'avenir en substitution ou, mieux, en complément des banques privées, semble judicieuse. Les Régions ont une connaissance du tissu des PME et de leur potentiel d'innovation qui devrait leur permettre de réaliser ces interventions à bon escient.

Contre. Le risque est que les décisions soient prises plus en fonction d'enjeux politiques ou de court terme (maintien de l'emploi dans une entreprise peu performante ou un secteur déclinant) que d'enjeux de préparation de l'avenir, ce qui dénaturerait le projet. Il y a un risque de gaspillage de l'argent public, puisque par construction cette banque investirait là où les banques privées refuseraient de le faire, donc dans des projets à risque élevé ou peu rentables. La question de la gouvernance de cette banque est essentielle.

Conclusion. Oui à condition que le système de gouvernance garantisse que l'argent sera réellement investi pour préparer l'avenir.
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"2. Pour relancer l’investissement, nous baisserons l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 % pour les entreprises qui réinvestissent intégralement leurs bénéfices et, pour compenser les pertes de recettes pour l’État, nous l’augmenterons jusqu’à 40 % pour celles qui privilégient les dividendes des actionnaires."
Note : 2/10


Pour. Que l'Etat encourage fiscalement l'investissement peut se justifier dans certains cas.

En pratique, cette mesure conduirait à réduire l'impôt pour les petites entreprises, qui distribuent peu de dividendes, et à l'accroître pour les grandes, ce qui pourrait se justifier.

Contre. Le principe d'une discrimination de la distribution de dividende par rapport aux autres utilisations du bénéfice de l'entreprise est économiquement et socialement absurde.

Qu'il soit distribué sous forme de dividendes, réinvesti ou gardé en réserve, le bénéfice d'une entreprise appartient aux actionnaires. Microsoft n'a pas distribué de dividendes pendant 30 ans - au grand bénéfice de ses actionnaires. La distribution d'une part du bénéfice, c'est simplement un transfert de la poche gauche de l'actionnaire - ses actions - à sa poche droite - ses liquidités. Il n'y a donc pas la moindre justification, en termes de justice sociale, à cette différenciation. Il faut tordre le cou à cette idée aussi stupide que répandue que le versement d'un dividende est une "prime aux actionnaires" : l'argent leur appartient déjà (voir, à propos des dividendes, cet intéressant post) !

La mesure proposée constituerait une subvention à l'investissement non ciblée. L'Etat (donc le contribuable) subventionnerait ainsi des investissements très rentables qui n'en ont pas besoin. A l'inverse, il subventionnerait potentiellement des investissements économiquement ou socialement inefficaces : peu rentables, hors de France, etc.

La distribution de dividendes peut, au moins dans certains cas, être économiquement plus efficace que le réinvestissement (et a fortiori que la constitution de réserves) par l'entreprise. Le versement de dividendes consiste à transférer du pouvoir d'achat (et du pouvoir tout court) des entreprises vers leurs actionnaires. Ces derniers (notamment les petits) peuvent ainsi optimiser, de leur point de vue, l'utilisation du bénéfice ainsi distribué : ré-investissement, consommation, épargne ..., contribuant ainsi à une meilleure allocation des ressources financières.

Un écart important sur le niveau de l'impôt sur les sociétés entre la France et les autres pays européens, en particulier pour les grosses sociétés, pourrait rendre la France moins attractive pour les investissements.

Enfin, une diminution des dividendes versés par les entreprises (ce qui, même si ce n'est pas le but visé, serait inévitablement la conséquence de la mesure proposée) entraînerait non seulement une diminution du pouvoir d'achat des ménages, mais une double perte de recettes à court terme pour l'Etat : une première fois au niveau de l'impôt sur les sociétés, une deuxième fois au niveau de l'imposition des bénéficiaires des dividendes.

Conclusion. Une mesure qui flatte l'opinion mais qui n'a à peu près que des défauts. Si l'objectif est de différencier l'imposition selon la taille des sociétés, il vaut mieux le dire, et le faire, après en avoir évalué les effets.
 
(voir propositions suivantes)

1 commentaire:

  1. "... mais une double perte de recettes à court terme pour l'Etat : une première fois au niveau de l'impôt sur les sociétés, une deuxième fois au niveau de l'imposition des bénéficiaires des dividendes."

    Faux. Je ne suis pas économiste mais selon moi, la perte subie par un IS à 20% permet aux entreprises de se développer et donc d'augmenter l'IS payé l'année suivante et la perte due au niveau d'imposition des bénéficiaires des dividendes aura déjà été prélevé dans l'IS à40 %. De plus, il vaut mieux prélevé à la source avec cet impôt plutôt que de laisser les investisseurs réinvestir sans aucune taxe (loi Scellier), ou en épargnant ce qui ne sera pas taxé non plus.

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