Des faits, des croyances, et du "biais de confirmation"
Voir, croire
Quant il s'agit de croire, en particulier de croire à l'invraisemblable, on utilise couramment l'expression "Il faut le voir pour le croire". Comme si voir impliquait croire, comme si croire - ou ne pas croire - pouvait être une conséquence logique de voir.
L'expression fait référence, sans doute, à l'histoire racontée par l'évangéliste Jean à propos de Thomas, l'un des douze apôtres. Juste après la résurrection de Jésus, Thomas, qui avait manqué sa première réapparition, déclare à ses condisciples : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas [à sa résurrection] !". Quelques jours plus tard, Jésus apparaît à nouveau à tous ses disciples ("Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux"), montre à Thomas ses mains blessées - et Thomas croit. Jésus conclut en reprochant à Thomas d'avoir douté : "Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu".
Saint Thomas pourrait être lu comme un modèle du doute méthodique, celui qui exige (ou qui prétend exiger) des preuves pour croire.
Ce n'est qu'une illusion.
Quand on lit l'évangile de Jean, on ne peut qu'être frappé par l'absolue irréalité de ces "rencontres" entre Jésus ressuscité et ses disciples. Ce n'est donc pas, comme le dit et le croit Jésus, parce que Thomas a vu qu'il a cru, mais au contraire parce qu'il croyait qu'il a vu - ou plus exactement qu'il a cru voir ce qu'il avait vu (ou ce qu'il avait cru, je ne sais plus) (*).
Des discours sur la crise
La crise du Covid-19 donne ainsi l'occasion à chacun de conforter ses propres croyances.
- Pour le climato-militant ? La crise est une des conséquences dramatiques du dérèglement climatique, et montre bien qu'il faut impérativement le combattre par tous les moyens.
- Pour le climato-sceptique ? La crise démontre que le risque majeur qui menace l'humanité n'est pas le réchauffement climatique, qui est un sujet secondaire.
- Pour l'anti-spéciste ? La crise illustre parfaitement l'interdépendance et la solidarité de fait entre les espèces.
- Pour le spéciste ? La crise montre que la priorité absolue de l'homme doit être de se défendre contre les autres espèces animales, qui sont pour lui essentiellement une menace.
- Pour le militant de la biodiversité ? La crise nous rappelle que la défense de la biodiversité est essentielle si l'on veut éviter que de telles crises ne se reproduisent et ne s'amplifient à l'avenir.
- Pour le bio-sceptique ? La crise est une illustration du fait qu'il n'y a aucun rapport entre la diminution de la biodiversité et l'accroissement des risques qui nous menacent.
- Pour l'anti-mondialiste ? La crise est une preuve de la dangerosité de la mondialisation, et de l'urgente nécessité de relocaliser la production et de limiter les flux trans-frontaliers de biens et de personnes.
- Pour le mondialiste ? La crise démontre la solidarité de fait entre tous les humains et la nécessité de faciliter les échanges de biens, de services, de connaissances, entre tous les pays.
- Pour le malthusien ? La crise montre que nous sommes trop nombreux sur terre, et que l'accroissement de la population ne peut qu'entraîner de nouvelles catastrophes encore plus dangereuses pour l'humanité.
- Pour l'anti-malthusien ? La crise démontre que le développement et la propagation des virus ne dépendent pas de la population mondiale, et que la régulation naturelle joue parfaitement son rôle.
- Pour le réactionnaire ? La crise montre que nous sommes allés trop loin dans le développement technique et scientifique, et qu'il est grand temps de revenir à nos valeurs anciennes qui ont démontré leur pertinence.