vendredi 16 novembre 2012

Agacements, 3 et 4

D'après Binet
Agacement, 3

France Info m'agace. Par exemple, la chronique quotidienne de Patrice Bertin. Voilà un garçon qui n'a rien à dire d'original, ni de drôle, ni d'instructif, ni de profond. Il pourrait être pardonné de n'avoir rien à dire, s'il le disait avec du style, ou de la légèreté, de l'humour, de la poésie, que sais-je : mais rien de tout cela. Que du lourdingue, du banal, du superficiel, ou du malveillant, et souvent le tout ensemble. Du Bidochon, mais au premier degré, et sans les dessins. La quintessence de la beaufitude. Et comme par hasard - mais c'est évidemment par pure méchanceté -, la chronique de Patrice Bertin tombe pile eu moment où je prends ma voiture pour rentrer à la maison. Je n'ai qu'à zapper, me direz-vous : mais ce faisant je risque de rater le début du journal qui suit. Ça m'agace. En plus, Patrice Bertin a largement atteint l'âge de la retraite. Allez, Patrice Bertin, pour une fois, soyez bon : laissez la place aux jeunes !

Agacement, 4

Les journalistes sont d'intarissables sources d'agacement. Et le mot est parfois bien faible. Par exemple, l'autre jour, deux pompiers sont morts en combattant un incendie. L'un avait seize ans, l'autre trente-cinq. Drame ordinaire, malheureusement. Rien de plus normal que la presse le rapporte. Mais voilà qu'un journaliste croit judicieux de doter la dépêche d'un titre un peu plus vendeur, pour augmenter ses chances d'être reprise. Deux pompiers qui meurent au feu, c'est banal. Mais que l'un d'eux n'ait que seize ans, c'est intéressant. Et l'information devient : "un pompier de seize ans meurt en combattant un incendie". Et elle est effectivement reprise en boucle, des centaines de fois, sous cette forme odieusement racoleuse, par les radios et les journaux, y compris Radio-France et Le Monde. Le deuxième pompier ? Tout juste mentionné, au passage, dans le corps de l'article. Il avait trente- cinq ans ? il n'intéresse personne. Il avait peut-être, lui aussi, une famille ? Peu importe, on s'en fout. Ça s'est passé à Digne. Vous avez dit digne ?

dimanche 11 novembre 2012

Agacements, 1 et 2


Agacement, 1

France Info m'agace. Par exemple, quand je suis dans ma voiture, j'écoute trois fois de suite les mêmes informations. Parfois je m'en rends compte, et ça m'agace. Parfois pas, et ça m'agace. Et après avoir entendu trois fois de suite le même bulletin météo, qu'il soit dit par Jacques Kessler,  par Joël Collado ou par Jean-Michel Golynski - je les confonds d'ailleurs toujours, ces trois mousquetaires du temps qu'il fait, bien que je les écoute presque quotidiennement, sans exagérer, depuis une éternité -, je n'ai toujours pas compris quel temps il allait faire dans le Cantal, où je vais passer mon week-end. Le vent l'emportera, ai-je cru entendre. A moins que ce ne soit le soleil, ou la pluie. Ou un noir désir. Et la neige, qui menace de tomber dans les Vosges, ou peut-être dans les Pyrénées, ou le Jura, ou les Monts d'Arrée, est-ce qu'elle va tomber aussi dans le Cantal ? Finalement je ne sais plus. J'ai seulement retenu qu'il allait pleuvoir en Bretagne, mais ça m'est égal. Puisque je vais dans le Cantal.

Agacement, 2

Les évêques catholiques de France m'agacent. Par exemple lorsqu'ils font campagne, es qualité, contre le mariage civil entre personnes du même sexe. Libre à eux, en tant que citoyens, d'exprimer leur point de vue, qui a autant de valeur qu'un autre. Libre à eux de donner leur opinion sur ce qu'ils considèrent comme naturel et comme contre nature. Libre à eux d'interpréter comme ils le veulent, ou comme ils le peuvent, le précepte évangélique "aimez-vous les uns les autres". Libre à eux d'appliquer dans leur organisation, je veux dire l'Eglise catholique, apostolique et romaine, les règles qui leur siéent, et les interdictions ou les discriminations qu'ils jugent nécessaires ou appropriées. Mais qu'ils laissent le soin à la société civile de s'organiser comme elle le souhaite. Comme son nom l'indique, le mariage civil relève de l'organisation de la cité, et non de celle des églises. Messieurs les évêques de France, écoutez ce que disait un certain Jésus de Nazareth : rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Et cessez de nous casser les pieds en vous mêlant de ce qui, es qualité de ministres de votre Eglise, ne vous regarde pas.

samedi 10 novembre 2012

Agacements


Dictionnaire de l'Académie Française, 1835
« Agacer. Causer aux dents une sorte de sensation désagréable, incommode, telle qu'est la sensation produite par les fruits verts et acides, quand on les mange. [...] 
Agacer les nerfs, se dit de ce qui cause une irritation légère dans tout l'intérieur du corps ».
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL)
« Agacer. Causer une sensation irritante et généralement désagréable parce que répétée et continue. 
Issu de l'ancien français "acier" (signifiant agacer), lui-même issu du latin "adacidare" (rendre aigre, mettre un acide dans) dérivé du latin "acidus" (acide, aigre) ».
Extrait du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratique, Gabriel ANDRAL, 1829
« Agacement. Ce mot, pris dans son acception la plus générale, exprime la sensation désagréable qu'éprouvent les sens à l'occasion de tout excitant capable [...] de rompre en quelque sorte l'harmonie du système nerveux.  
L'agacement est un effet de la sensibilité, moins intense que la douleur, mais plus vif que le chatouillement [...].  
Tous les sens peuvent, dans leur exercice, éprouver les effets de l'agacement. La vue d'une architecture disparate, d'une composition vicieuse ou de mauvais goût ; le bruit d'une scie, d'un corps métallique, le cri de la douleur, une voix fausse ou fêlée, le style haché, la poésie discordante d'un mauvais écrivain, le contact de vêtements laineux ou incommodes, etc., sont autant de causes d'agacement [...].  

vendredi 9 novembre 2012

De l'ISF, des pigeons, et d'autres symptômes de la confusion mentale régnant à propos de l'impôt (3ème partie)


3ème partie : les morales de cette histoire

Dans les deux billets précédents, je me suis intéressé aux débats et aux volte-face du gouvernement de Jean-Marc Ayrault sur deux évolutions potentielles de la fiscalité française : l'inclusion des œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, et la taxation des plus-values de cession des parts d'entreprise.
 
De ces deux épisodes je tire deux leçons.
La première leçon, c'est que, quand on veut réformer, deux ingrédients sont essentiels à la réussite de l'opération :
  • une colonne vertébrale, c'est-à-dire un corps de doctrine suffisamment solide, stable et cohérent pour ne pas être emporté par la première bourrasque,
  • une rigoureuse préparation, et en particulier une concertation préalable approfondie avec l'ensemble des acteurs concernés, pour éviter autant que possible les surprises, et pouvoir réagir aux événements imprévus de façon appropriée sans donner l'impression de se renier.
En l'occurrence, le gouvernement a manqué des deux, donnant l'impression d'une absence de cap d'une part, d'une impréparation coupable d'autre part.
La mesure proposée sur la taxation des plus-values, par exemple, était loin d'être scandaleuse en soi. Elle aurait donné un signal de justice fiscale. Elle n'aurait probablement eu que des impacts très limités sur l'économie française si elle avait été proprement préparée - et donc notamment soigneusement calibrée.

dimanche 4 novembre 2012

De l'ISF, des pigeons, et d'autres symptômes de la confusion mentale régnant à propos de l'impôt (2ème partie)



2ème partie : des pigeons, et des bonnes et mauvaises raisons pour - ou pour ne pas - leur voler dans les plumes
 

L'élaboration du premier budget du quinquennat Hollande (je dis "du quinquennat", et non pas "du premier quinquennat", car ses premiers mois d'exercice me font sérieusement douter qu'on l'autorise à redoubler) a soulevé quelques débats fiscaux dont je me suis délecté.
Dans mon billet précédent j'épiloguais sur les œuvres d'art et l'ISF. Je m'intéresse aujourd'hui à l'épisode des Pigeons.

Bref résumé de l'épisode
Le gouvernement, en application de l'engagement de François Hollande de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, inclut dans son projet de loi de finances 2013 une disposition prévoyant d'imposer la plus-value dégagée lors de la vente des parts d’une entreprise selon le barème de l’impôt sur le revenu.
Un petit groupe d'entrepreneurs, qui prend le nom de "pigeons", déclenche un tir de barrage nourri contre cette mesure.
Le gouvernement, aussi terrorisé par cette attaque surprise d'une escadrille de volatiles que les habitants de Bodega Bay l'avaient été par les corbeaux d'Hitchcock, fait très rapidement machine arrière, et capitule en rase campagne.
En conclusion, victoire par KO médiatique de quelques douzaines de pigeons contre le gouvernement, qui perd sur tous les tableaux :
  • un manque à gagner fiscal, qu'il faudra bien compenser par ailleurs
  • une impression d'amateurisme, d'impréparation et d'incohérence entre les discours et les actes
  • pour les uns, le sentiment que le gouvernement a cédé sans combattre aux lobbys patronaux ; pour les autres, une image "anti-entrepreneuriale" dont il aura beaucoup de mal à se débarrasser
  • et enfin une reculade improvisée ne pouvant qu'encourager d'autres mouvements de fronde à tenter leur chance à l'avenir.

samedi 27 octobre 2012

De l'ISF, des pigeons, et d'autres symptômes de la confusion mentale régnant à propos de l'impôt (1ère partie)


1ère partie : de l'exclusion des œuvres d'art de l'assiette de l'ISF

L'élaboration du premier budget du quinquennat Hollande (je dis "du quinquennat", et non pas "du premier quinquennat", car ses premiers mois d'exercice me font sérieusement douter qu'on l'autorise à redoubler) a soulevé quelques débats fiscaux dont je me suis délecté. Bien entendu, on a débattu (un peu) de l'inclusion des œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF.
L'ISF et les œuvres d'art
Comme à la création de l'ISF (ou IGF dans sa version primitive) par François Mitterrand en 1982, comme en 1988 (gouvernement Rocard), puis en 1998 (gouvernement Jospin), puis en 2011 (gouvernement Fillon), est revenue sur la table en 2012 la question de l'intégration des œuvres d'art dans l'assiette de cet impôt.
Le scénario est toujours le même : quelques voix s'élèvent, parmi les parlementaires de gauche ou de droite, animées par des motivations diverses, pour remettre en cause le régime de faveur dont bénéficient les propriétaires d'œuvres d'art pour le calcul de l'ISF. Il ressort des débats parlementaires qu'au fond tout le monde ou presque, à droite comme à gauche, trouverait assez normal que les œuvres d'art soient taxées comme les autres éléments du patrimoine, à quelques détails près. Et pourtant l'histoire se termine toujours de la même façon : très rapidement, les contestataires sont remis dans le "droit" chemin par le gouvernement, de gauche ou de droite.
En 2011, Nicolas Sarkozy avait sifflé la fin de la récréation avec ces mots définitifs : « C'est une stupidité ». Il avait justifié son appréciation en déclarant, sans rire, que cela donnerait « la possibilité à l'administration fiscale de rentrer dans les domiciles des gens » pour contrôler les déclarations, et ferait « disparaître toute une part du marché des œuvres d'art en France ».
En 2012 Jean-Marc Ayrault, craignant sans doute de se voir opposer ses déclarations de l'année précédente alors qu'il était dans l'opposition, et conscient peut-être de la pauvreté des arguments qu'il avait à sa disposition, s'est contenté d'une oraison funèbre minimale : « La position du gouvernement est très claire. Il n'y aura pas d'intégration dans le calcul de l'impôt sur la fortune des œuvres d'art ». On ne pouvait guère faire plus concis.
Aurélie Filippetti, ministre de la Culture de Jean-Marc Ayrault, n'a pas été en reste : « L'exonération d'ISF pour les œuvres d'art fait partie de l'exception culturelle. Ce serait une grave erreur que de la remettre en cause alors que la compétition internationale sur le marché de l'art est très forte».
Et comme à chaque fois les détenteurs et les marchands d'œuvres d'art, après un court moment d'inquiétude, ont poussé un ouf de soulagement.

vendredi 26 octobre 2012

Où va l'Espagne ?


Les dernières statistiques viennent de tomber - et de tomber bien bas : le taux de chômage en Espagne dépasse 25%.
Plus d'un Espagnol sur quatre sans emploi. Plus de la moitié des jeunes. Un foyer sur dix dont tous les membres sont au chômage.
On n'arrive pas à y croire : comment l'Espagne, ce très grand pays sinon par la taille, du moins par l'influence qu'il a eue sur l'histoire de l'occident et les marques qu'il y a laissées, ce pays d'immense culture, ce pays de conquérants et d'artistes, ce symbole de la résistance aux oppressions, en est-elle arrivée là ? comment s'en relèvera-t-elle ?
Est-ce bien l'Espagne de Christophe Colomb et des conquistadors ? L'Espagne de Charles Quint ? L'Espagne qui a donné sa langue à 21 pays et 400 millions de personnes dans le monde ?
L'Espagne de l'Alhambra de Grenade, de la Grande Mosquée de Cordoue, de l'Alcazar de Séville, de la Sagrada Familia de Barcelone, du Musée Guggenheim de Bilbao ?
L'Espagne du flamenco et de la corrida ?
L'Espagne de la résistance contre l'invasion de Napoléon, et de celle contre la dictature du Général Franco ?
L'Espagne du Greco, de Goya, de Velasquez ? Celle de Miro, de Dali, de Gris, de Picasso ?
L'Espagne de Cervantes, de Machado, de Garcia Lorca, de Cela ? Celle dont Victor Hugo a tiré Hernani et Ruy Blas ?
L'Espagne d'Albeniz, de Granados, de de Falla ? de Fernando Sor, de Narciso Yepes, d'Andres Segovia, de Paco de Lucia ? celle du grand Paco Ibanez ?
L'Espagne de Bunuel, de Saura, d'Almodovar ?
Et j'en oublie bien sûr.
Non, cette Espagne-là ne peut pas mourir.