Si j'avais été, hier soir, élu Président, voici le discours que j'aurais tenu aux Français.
Je suis conscient de l'honneur que vous m'avez fait, mais je
suis aussi, je suis surtout, conscient du poids de la responsabilité que vous
m'avez confiée. C'est à moi, désormais, de m'en montrer digne.
Je sais que beaucoup, parmi vous, ont voté pour moi moins
par adhésion à ma personne ou à mon programme que par rejet du Président
sortant. Je ne l'oublierai pas, et je vous demande de ne pas l'oublier non
plus.
Je m'adresse aussi à ceux qui ne m'ont pas choisi.
Beaucoup d'entre vous sont inquiets ce soir.
A vous tous, je dis ceci : je n'oublierai pas, demain, que
vous avez été plus nombreux encore que ceux qui m'ont apporté leur suffrage. A
vous aussi, je devrai rendre des comptes de mon action comme Président de la
République, au service de la France et de tous les Français, sans exception.
Sans doute n'approuverez-vous pas certaines de mes décisions
: le consensus, s'il est souhaitable - et je
m'efforcerai d'y parvenir chaque fois qu'il est possible - ne peut pas être une règle absolue, car il conduit
à l'immobilisme. Et l'immobilisme n'est pas une option pour moi : je veux que
la France avance. Mais sachez qu'aucune de mes décisions ne sera dictée par un
esprit partisan, et que toutes le seront par l'idée que je me fais de l'intérêt
de la France et des Français. Je m'en expliquerai, dans tous les cas, le moment
venu, devant vous : je m'y engage.
Je voudrais m'adresser aussi à tous les étrangers vivant en
France, de toutes nationalités.
Vous n'êtes pas français, mais vous êtes des hommes, des
femmes, ou des enfants, et vous êtes nos hôtes. Je veux que vous soyez traités
comme tels. Je ne tolérerai pas que vous ne soyez pas respectés en tant que
personnes, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les Français. Je
m'efforcerai de faire en sorte que vous soyez partie prenante, chaque fois que
ce sera possible, aux décisions qui vous concernent.
J'attends de vous, en retour, que vous respectiez votre pays
d'accueil, ses lois et ses traditions. C'est évidemment indispensable pour que
soient créées les conditions du respect mutuel, que je m'efforcerai de
promouvoir de toutes mes forces et en toute circonstance.
Je m'adresse aussi, ce soir, aux peuples d'Europe, et à
leurs gouvernants.
J'aime la France, et j'en suis désormais le porte-parole. Mais
j'aime aussi l'Europe, et je m'en sens également comptable.
L'Europe ne peut pas se passer de la France, pas plus que la
France ne peut se passer de l'Europe : nos destins sont liés.
Je défendrai fermement, dans les discussions avec mes
partenaires européens, l'intérêt de la France. Mais je ne ferai jamais passer
l'intérêt de la France avant celui de l'ensemble des peuples d'Europe. Car je
suis convaincu qu'il n'y aura pas de progrès durable pour aucun pays en Europe
si ce n'est pas l'Europe toute entière qui progresse.
Je conduirai ces discussions avec fermeté, mais dans le
respect mutuel.
Je soutiendrai la mise en œuvre des mécanismes de solidarité
nécessaires pour aider les pays européens qui connaissent les plus grandes
difficultés. Mais qu'on ne compte pas sur moi pour promouvoir des solutions de
facilité, qui sacrifieraient le long terme au court terme, et qui ne seraient
in fine bénéfiques pour personne.
Je m'adresse enfin à tous les peuples du monde.
J'aime la France, je l'ai dit.
Je souhaite qu'elle soit ouverte au monde, parce que je veux
qu'elle soit digne de son histoire, et parce que je crois profondément que
c'est l'intérêt de tous. Ouverte culturellement, bien sûr. Ouverte
économiquement aussi, sans naïveté ni complaisance, mais avec optimisme et
détermination, parce que je suis confiant dans la capacité de la France à faire
de cette ouverture une source de progrès.
Je souhaite aussi que la France soit respectée.
Ce n'est pas pour sa taille qu'elle le sera : la part de la
France dans l'économie du monde se réduit, c'est un fait, il faut en prendre
acte. Je pense même qu'il faut s'en réjouir : c'est le signe que l'inégalité
économique entre les peuples régresse.
Ce ne sera pas, non plus, par sa force militaire qu'elle le sera
: la France n'a ni les moyens, ni la vocation, ni le mandat de maintenir
l'ordre du monde. Ce qui n'exclut pas bien sûr que, dans le cadre de mandats
internationaux, la France puisse mettre ses forces militaires au service de la
protection des populations.
La France sera respectée dans le monde si elle est fidèle à
ses valeurs, celles qui ont, dans l'histoire, fait d'elle un grand pays. Et ses
valeurs, ce sont celles de la République : la liberté, qui doit être reconnue à
tous ; l'égalité, qu'on appelle aussi la justice, et sans laquelle la liberté
n'est que la loi des plus forts ; et la fraternité, que je préfère pour ma part
appeler la solidarité, entre les individus et entre les peuples.
A vous tous, je voudrais pour terminer dire ceci.
Pour moi-même, c'est une histoire qui commence. Mais pour
mon pays, c'est une histoire qui continue, et qui continuera après mon mandat.
Je n'ai pas la prétention de révolutionner le cours de cette
histoire, dont je ne suis qu'un serviteur. Mais j'ai l'ambition de lui redonner
un peu du sens qu'elle est en train de perdre.
Je vous ai dit, tout au long de cette campagne, quelles
étaient mes priorités : l'emploi, l'éducation, la compétitivité, la solidarité.
Je demande à être jugé, à la fin de mon mandat, sur ces engagements.
J'aime la France. Je regarde aussi le monde tel qu'il est. La
place de la France n'est pas hors du monde, séparée de lui par des frontières
infranchissables : sa place, elle est au cœur du monde.
Je crois en mon pays. Je vous demande d'y croire aussi, et
je veux vous aider à y croire.
La route sera difficile, n'en doutons pas. Il y aura, c'est
inévitable, des sacrifices à faire : je m'engage à ce qu'ils soient justement
répartis. Et je m'engage également à ce que les fruits de ces sacrifices, le
moment venu, soient aussi justement répartis.
Nous avons, vous avez les talents et la force qui nous
permettent, ensemble, de regarder l'avenir, et le monde, avec confiance. Mais
rien ne nous sera donné, rien ne sera gagné sans l'effort de tous. Nous devons,
ensemble, suivre cette voie, avec la volonté de ne laisser personne au bord du
chemin.
Vive la République, vive la France !"
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