... sur l'énergie en général et l'énergie nucléaire en particulier (1).
Au-delà de l'émotion, nécessaire et légitime, l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Ichi doit bien évidemment amener à s'interroger sur le présent et l'avenir de l'industrie nucléaire, en France comme ailleurs.
S'interroger, cela suppose d'abord renoncer à instrumentaliser cette catastrophe, par exemple à des fins électoralistes ou mercantiles.
Au-delà de cette exigence minimale d'éthique et de responsabilité, cela suppose également :
• la remise en question des schémas de pensée pré-existants - car toute catastrophe, dont l'occurrence et/ou les conséquences sont par nature imprévues et imprévisibles, au moins en partie, oblige à penser ce qui n'a pas encore été pensé
• le rejet des analyses simplistes, parfois tentantes, mais forcément réductrices et donc dangereuses
• une réflexion appuyée sur des faits et des raisonnements, et non sur des intuitions, des principes, des fantasmes ou des idéologies
• la volonté et la capacité de s'abstraire, autant que possible, des propagandes et des lobbys politiques et économiques
• une analyse de l'ensemble des conséquences, dans le monde réel et non dans un monde idéal, et dans la durée, des différentes options envisageables.
Je ne prétends pas dérouler ici cet exercice, ni le résumer, ni encore moins le conclure. Je voudrais simplement proposer quelques éclairages qui me semblent devoir être intégrés dans cette réflexion.
Peut-on, ou doit-on, "sortir du nucléaire" ?
• On peut rêver de vivre dans un monde où une catastrophe telle que celle de Fukushima ne peut pas arriver. C'est juste un rêve. Et c'est probablement un rêve dangereux : à force de croire possible de construire un monde sans risque majeur, une société risquerait de perdre sa capacité de résilience aux grandes catastrophes qui, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, se produisent un jour ou l'autre. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas travailler sans relâche à réduire les risques.
• L'idée qu'une décision de "sortie du nucléaire" est la solution au problème de la sécurité est une idée simpliste, et probablement fausse, malgré son apparence de bon sens.
• Décider aujourd'hui de "sortir du nucléaire" à terme ne permettrait pas de réduire les risques à court ou moyen terme. Le parc nucléaire existant dans le monde (qui produit de l'ordre de 15% de l'électricité consommée) est là, et pour longtemps, quelles que soient les décisions qui seront prises par les gouvernements : la priorité des priorités est donc d'améliorer la sécurité des centrales en exploitation - et de fermer celles qui ont aujourd'hui un niveau de sécurité insuffisant.
• Une décision de "sortie du nucléaire", même à long terme, entraînerait très probablement une perte de compétence de l'industrie, et donc potentiellement des risques accrus sur les installations existantes jusqu'à leur disparition. Toute politique énergétique doit se préoccuper du maintien à long terme des compétences en matière nucléaire.
• Si l'on admet, ce qui semble vraisemblable, qu'une industrie ne progresse plus dès lors que sa disparition est programmée (ne serait-ce que parce qu'elle n'attire plus les meilleurs talents), la réduction à long terme des risques du nucléaire, au-delà de l'amélioration (ou de l'arrêt, pour certaines) des installations existantes, passe essentiellement par le développement de nouvelles installations plus sûres, comme cela a été le cas pour toutes les industries dans l'histoire.
• S'il serait probablement plus dangereux de stopper le développement de l'industrie nucléaire, au périmètre mondial, que de le poursuivre, il convient bien sûr de s'interroger sur son contenu, son rythme, sa localisation, son contrôle.
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