Du fait de la crise de la dette publique et des risques de récession économique, la question fiscale est en train de devenir centrale pour l'élection présidentielle de 2012.
Il va en effet falloir à la fois revenir rapidement, et durablement, vers l'équilibre budgétaire, et mettre en place les conditions de la reprise de la croissance : l'équation est sans aucun doute difficile à résoudre, et passe nécessairement - c'est en tout cas ma conviction - par une augmentation, au moins temporaire, des recettes fiscales.
Il est donc doublement nécessaire de rééquilibrer les prélèvements fiscaux en faveur des revenus les plus faibles. D'abord pour une question de justice : car je suis de ceux qui trouvent injuste que les prélèvements fiscaux et para-fiscaux (y compris cotisations sociales) ne soient pas au moins proportionnels aux revenus réels pour tous les citoyens ; et ce ne semble pas être aujourd'hui le cas en France (cf. les travaux de Landais, Piketty et Saez, dont les propositions sont très largement discutables, mais dont les constats ne semblent pas avoir été contestés). Mais aussi parce que l'efficacité économique le commande : réduire le pouvoir d'achat des revenus les plus faibles aurait très certainement un effet désastreux sur la croissance.
Ce sont donc les revenus moyens et hauts qui vont devoir supporter l'essentiel de l'effort.
De mon point de vue, une "bonne" réforme fiscale doit être :
- juste - elle doit toucher davantage les revenus les plus élevésN'étant pas un spécialiste des questions fiscales, je peux me tromper, soit en ne mesurant pas toutes les conséquences potentielles de telle ou telle mesure, soit en en sous-estimant les difficultés de mise en oeuvre ...
- comprise par tous - elle doit être suffisamment simple, à la fois dans ses principes et dans sa mise en oeuvre, pour que ses effets sur chacun soient facilement explicables, identifiables et mesurables
- progressive - l'impact à court terme doit rester limité pour chaque contribuable
- économiquement efficace - elle doit, si possible, contribuer à une croissance économique durable, et en tout cas éviter absolument les risques d'effets négatifs sur cette croissance.
Néanmoins, comme celui de tout citoyen et contribuable, mon avis en vaut certainement bien d'autres. Voici donc une liste de mesures qui me paraîtraient aller dans le bon sens :
1. Intégrer tous les revenus du patrimoine dans l'assiette de l'impôt sur le revenu (IR) - de façon à assurer visiblement la neutralité entre revenus du patrimoine et revenus du travail, et appliquer intégralement aux premiers la progressivité associée au mécanisme de l'IR.Et voici pour finir une liste de mesures, parmi celles qu'on nous propose, qui me semblent aller dans le mauvais sens, parce que soit inutiles, soit nuisibles, soit les deux :
2. Intégrer le revenu virtuel de l'habitation principale, pour ceux qui en sont propriétaires, dans l'assiette de l'IR (après prise en compte des emprunts pris à ce titre) - ce "revenu virtuel" étant assimilable à un revenu du patrimoine.
3. Intégrer toutes les plus-values de cession (y compris celles sur la résidence principale ou sur les oeuvres d'art) dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, avec une correction idoine pour tenir compte de l'inflation - avec les mêmes justifications que les mesures précédentes (NB : selon le rapport de mai 2011 du Conseil des Prélèvements Obligatoires, les plus-values de cession constituent une part très importante des revenus des ménages les plus riches, voire la part la plus importante pour les plus hauts revenus).
3 bis. [A explorer] Intégrer les plus-values latentes dans l'assiette de l'impôt sur le revenu (avantages : répartit dans le temps la taxation de la plus-value ; peut se substituer avantageusement à une taxation sur la valeur du patrimoine ; assure la neutralité entre plus-values latentes et plus-values réalisées ; inconvénients : complexe ; oblige à taxer une valeur virtuelle et non un flux monétaire ; oblige à tenir compte des pertes de valeur, le cas échéant).
4. Considérer les successions comme des revenus exceptionnels pour les bénéficiaires, et les intégrer à ce titre dans l'assiette de l'impôt sur le revenu (avec éventuellement un abattement à la base, égal pour tous, pour le bénéficiaire), avec des mesures d'étalement appropriées si nécessaire - afin d'assurer la progressivité de la taxation des successions au même titre que celle des autres revenus.
5. Remplacer le système du quotient familial dans le calcul de l'IR par un système d'abattement fiscal ou de prestation forfaitaire - de façon à égaliser pour l'ensemble des familles le bénéfice fiscal lié au nombre d'enfants quel que soit leur niveau de revenu.
6. Ajouter une tranche au barème de l'impôt sur le revenu pour les très hauts revenus. Améliorer la progressivité de cet impôt, en augmentant le nombre de tranches - l'augmentation du taux au passage d'une tranche à la suivante serait en conséquence réduite.
7. De préférence, supprimer l'ISF, qui est un mauvais impôt - à preuve, les nombreuses exonérations qu'il a fallu y associer pour qu'il soit supportable -, et le remplacer par un impôt sur les plus-values. A défaut de le supprimer, intégrer dans son assiette l'ensemble du patrimoine, y compris (notamment) les oeuvres d'art et les biens professionnels - ce qui suppose, pour être praticable, que les taux d'imposition soient suffisamment bas. Pour le patrimoine d'un couple en communauté de biens, appliquer le quotient conjugal à l'ISF - simple mesure de bon sens, les biens en question étant par hypothèse propriété pour moitié de chacun des conjoints. Supprimer les abattements pour enfants - qui n'ont pas de justification, s'agissant d'un impôt sur le patrimoine. Rétablir un système à tranches, de façon à assurer une progressivité du taux marginal d'imposition et éviter les effets pervers liés aux seuils.
8. Remettre à plat les niches fiscales, et supprimer celles dont l'effet positif sur la croissance ou sur l'emploi n'est pas avéré, ou pas en rapport avec le coût de la mesure - je pense par exemple, comme tout le monde, à la TVA réduite sur la restauration. Et éviter d'en inventer de nouvelles !
1. Taxer différemment les bénéfices des entreprises (Impôt sur les Sociétés) selon qu'ils sont distribués (dividendes) ou réinvestis. Cette différentiation (qui serait évidemment une nouvelle niche fiscale) n'aurait aucune justification en termes de justice, et aurait de forts inconvénients en termes d'efficacité économique.
2. Supprimer le quotient conjugal pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Une telle suppression conduirait à taxer différemment un couple selon la répartition des revenus au sein du couple : par exemple, pour un même revenu global, un couple dans lequel la femme a un revenu supérieur à celui de son compagnon serait taxé davantage qu'un couple dans lequel les deux partenaires ont des revenus égaux. Cela ne me semble ni juste ni justifié.
3. Fusionner la CSG et l'IR. Cette mesure serait d'une grande complexité, aurait des effets non maîtrisables, serait totalement illisible, et serait donc très probablement mal comprise par la plupart. Elle n'aurait aucun avantage en contrepartie de ces inconvénients. Il est à mon avis bien préférable, pour rendre le système fiscal plus juste, d'intégrer dans l'assiette de l'impôt sur le revenu les revenus qui en sont actuellement exclus, et en particulier les revenus du patrimoine.
4. Mettre en place un prélèvement à la source. Cette mesure, d'une très grande complexité de mise en oeuvre, serait sans bénéfice pour personne (ou alors, s'il doit y avoir des bénéficiaires et donc probablement des "victimes", il serait honnête de nous dire lesquels). Un exemple de ce qu'il ne faut surtout pas promettre.
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