Le bouclier fiscal |
Une autre évolution, qui pourrait aussi constituer une contrepartie à une moindre taxation du capital immobile, consisterait à accroître significativement la fiscalité pesant sur les donations et les successions - et en particulier sur les donations et successions familiales.
L'idée de taxer l'héritage est encore plus impopulaire que celle de taxer les plus-values sur la résidence principale, c'est même une sorte de tabou. Et pourtant comment justifier, en équité, que celui qui ne doit son enrichissement qu'à la chance d'être le fils ou la fille de quelqu'un ne contribue pas plus aux besoins collectifs, voire même y contribue moins, que celui qui le doit à son seul travail ? N'est-ce pas un système qui participe, une fois encore, de l'enrichissement des plus favorisés, ceux dont la famille détient un patrimoine, au détriment des plus pauvres ? Des avantages si considérables à la transmission familiale des patrimoines ne constituent-ils pas une survivance étrange du principe d'hérédité de l'ancien régime, au détriment du principe républicain d'égalité ?
Certains prétendent que l'objectif de constituer un patrimoine pour le transmettre à ses enfants est un des moteurs de l'activité économique. On me permettra d'en douter. Cela ne semble pas en tout cas avoir été la motivation principale de Bill Gates ou de Steve Jobs.
La relative faiblesse de la taxation sur les successions de parents à enfants (grâce aux exonérations diverses et à un taux d'imposition relativement bas) est d'ailleurs d'autant moins défendable aujourd'hui - pour peu qu'elle l'ait jamais été - que, du fait de l'allongement de la durée de vie, on transmet le plus souvent son patrimoine à des "enfants" qui ont déjà atteint, voire largement dépassé, l'âge de la retraite, et pour qui ce patrimoine additionnel ne présente plus, en règle générale, beaucoup d'intérêt.
Sans doute pour "compenser" cette évolution, les gouvernements successifs ont mis en place des dispositifs d'exonération des donations, qui permettent à des parents ou grands-parents de donner des sommes importantes en franchise d'impôt à leurs enfants et petits-enfants (ce qui permet au passage d'échapper également à la taxation des plus-values). Tout le monde applaudit, bien évidemment, dès lors qu'on se garde bien de dire qui paie pour ces exonérations. En tout état de cause, ce dispositif ne bénéficie qu'à ceux qui sont suffisamment fortunés pour pouvoir distribuer leur patrimoine sans dommage pour eux : il s'agit donc très vraisemblablement d'une subvention de la collectivité aux plus riches (il serait intéressant d'avoir des chiffres à ce sujet).
Bien sûr, il faut maintenir des exonérations des droits de succession, exonérations qui doivent être soigneusement encadrées : entre conjoints, entre parents et enfants jeunes, plus généralement, pour le logement, entre personnes habitant sous le même toit, ... On peut comprendre que le patrimoine historique ou naturel, dès lors que son propriétaire en assume l'entretien au profit de la collectivité, bénéficie d'exonérations. On peut comprendre que des dispositions spécifiques doivent être prises pour protéger l'emploi dans les petites entreprises familiales. On peut comprendre que la collectivité indemnise, par le moyen d'une exonération des droits de succession, les familles de pompiers morts en opération. Mais qu'est-ce qui justifie que la collectivité subventionne si généreusement la transmission héréditaire du patrimoine ?
Curieusement, dans la chasse aux niches fiscales récemment ouverte par le gouvernement Fillon, celle des droits de succession (comme beaucoup d'autres) a été vite refermée ...
(Voir aussi ici)
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