« [...] le sage vit tant qu'il doit, et non pas tant qu'il peut. [...] le présent que Nature nous ait fait le plus favorable, [...] c'est de nous avoir laissé la clef des champs ». (Montaigne, Les Essais)
Ce qui s'est passé autour de Vincent Lambert ces derniers mois est tout simplement insupportable.
On parle souvent, et cela arrive même à des gens bien intentionnés, du cas Vincent Lambert, du dossier Vincent Lambert, de l'affaire Vincent Lambert. On en oublierait presque, parfois, que Vincent Lambert est une personne. Une personne vivante, encore, et souffrante, assurément, dans ce qui lui reste de conscience, pour autant qu'il lui en reste.
Si crime il y a, ou il doit y avoir, le concernant, ce ne sera certainement pas celui de cesser de le maintenir artificiellement en vie : ce sera au contraire celui d'avoir prolongé inutilement ses souffrances et celles de ses proches, sans qu'aucun espoir de rémission ne le justifie.
Pourtant des médecins, en leur âme et conscience, en toute transparence, et dans le strict respect de la loi en vigueur (1), ont choisi d'appliquer ce principe d'humanité qui figure dans le serment qu'ils font au moment d'être admis à exercer la médecine : "Je ne prolongerai pas abusivement les agonies". Ils ont choisi de le faire même au prix d'une contradiction, inévitable, avec le principe du même serment qui le suit immédiatement : "Je ne provoquerai jamais la mort délibérément". Ce choix n'était pas si commun, ni, sans doute, si facile, et on aimerait que tous les médecins aient le même courage.
Pourtant l'épouse de cet homme, la seule, parmi celles et ceux à qui on a demandé leur avis, à avoir été choisie par lui, la seule donc dont l'opinion devrait compter, s'agissant d'une personne majeure qui n'est plus en état de donner la sienne, est, elle aussi, favorable à l'arrêt des traitements.