© Philppe Pouzaud, dit Grissôme |
François Hollande n'avait pas été, jusqu'au printemps
dernier, un sujet particulièrement brillant : il s'était surtout distingué,
parmi ses camarades, par son sens de l'humour, et sa capacité à ne fâcher
personne (à l'exception de son épouse, mais c'est une autre histoire).
Sa réussite au concours le plus prestigieux de la République
(non, je ne parle pas de Normale, même s'il en a été beaucoup question dans la campagne,
ainsi qu'en ville d'ailleurs, mais de l'élection présidentielle), a donc été,
pour beaucoup, une surprise.
Du coup, on attend peu de lui : on ne pourra donc, au mieux,
qu'être déçu en bien, comme disent nos amis suisses.
Le véritable adversaire de François Hollande n'est pas,
comme il l'a dit un jour, la finance : son véritable adversaire, c'est
lui-même. Le problème en effet, c'est qu'il n'a guère que deux solutions,
compte tenu de la teneur de son oral au concours : soit faire ce qu'il a dit, ce
qui, pour une grande part, ne serait pas particulièrement judicieux ; soit ne
pas le faire, ou faire le contraire, et un certain nombre de gens lui en
voudront. Pile tu gagnes, face je perds : c'est en résumé ce qui l'attend, en
toute normalité, au prochain concours, dans cinq ans.
Même si le contrôle continu n'est pas la règle de
fonctionnement de notre système démocratique, dans lequel seul l'examen final
compte, j'ai eu envie, après son premier trimestre d'exercice(s), de faire une évaluation
de son travail. Notée, comme il se doit, par matière, sur la base d'une grille
de notation on ne peut plus personnelle.
Camaraderie : 10/20
·
Concernant les écolos, il fallait que François
Hollande choisisse entre prendre des décisions raisonnables (sur Fessenheim ou
sur le gaz de schiste) et les mettre en colère. Il a privilégié la camaraderie - mais en échange de quoi ? Si c'était en échange de leur soutien sur le vote du traité budgétaire européen, il s'est fait rouler dans la farine. Si c'était en échange de rien, c'est gentil mais c'est bêta. Un bon point donc de camaraderie - mais un mauvais point de naïveté ?
·
Côté Mélenchon et Front de Gauche, l'atmosphère
fraîchit, notamment sur le traité budgétaire, malgré des efforts louables de
François Hollande en matière d'anti-richisme (la taxation à 75%). Gare aux
bagarres dans la cour de récré.
·
Du côté des riches, ce n'est pas le grand amour.
Mais François Hollande maintiendra, sauf surprise, l'exonération d'ISF pour les
œuvres d'art : une consolation, au moins pour certains. Et tant pis si la
justice n'y trouve pas son compte.
·
Quant aux patrons, ça ne va pas trop. Menaces de
racket (fiscal), soupçons de fuites (en Belgique), échanges
de noms d'oiseaux ... il va falloir sérieusement améliorer tout ça. Car
sans patrons, point d'entreprises, n'est-ce pas ? Et sans entreprises, point de
croisssance, sans croissance point de travail, et sans travail, point de
revenus, point de solidarité, et point de dignité ...
Construction (européenne) : 7/20
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Un bon point : François Hollande, oubliant ses
belliqueux discours de campagne, et sans se soucier de déplaire à nombre de ses
camarades (voir Camaraderie), va faire ratifier par le Parlement le Traité
budgétaire.
·
Un deuxième bon point : comme son prédécesseur,
François Hollande met ses pas dans ceux d'Angela Merkel en matière de rigueur
budgétaire et de gouvernance de la zone euro. Tout en travaillant, comme il
savait si bien le faire au PS, à la synthèse entre les Allemands et les
Italiens. Et en mettant une grosse sourdine à son attendrissement sur le sort
des Grecs.
·
Mais un gros, un très gros, mauvais point : il
n'a pas esquissé le moindre commencement de travail sérieux sur le chantier de l'Europe politique au-delà des rafistolages en cours (voir aussi sa mauvaise note en Dessein). Il serait temps qu'il
s'y mette, de conserve avec l'Allemagne, en s'inspirant par exemple de sa camarade Elisabeth Guigou.
Dessein : 2/20
·
En Dessein Industriel, on n'attendait pas de
miracle de toute façon, malgré les effets de manche de Montebourg (moins à
l'aise, et pour cause, comme ministre de la République que comme candidat aux
primaires socialistes). On peine à
croire (même si on veut bien l'espérer) que la nomination
de 22 Commissaires au Redressement Productif aidera vraiment au dit
redressement.
·
Quant au Dessein tout court, c'est vraiment la
cata. Le néant. Pas la moindre ébauche d'un travail de fond, pas même une
petite Commission, pour redonner à la France une perspective d'avenir , pour
reprendre l'initiative dans la construction européenne, et surtout pour
préparer les réformes structurelles qui permettraient au pays de cesser sa dégringolade
dans les classements mondiaux de la compétitivité et dans ceux de
l'efficience de la formation des jeunes et des adultes ...
Droit : 12/20
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Un bon point sur le mariage homosexuel :
François Hollande semble décidé à faire comme il a dit, et sur ce sujet il a
raison.
·
Sur l'euthanasie, un premier pas a été fait,
avec la création d'une Commission. Là aussi, François
Hollande serait bien inspiré de faire comme il a dit. Affaire à suivre.
Instruction civique : 5/20
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François Hollande s'est engagé à donner le droit
de vote aux élections municipales à tous les étrangers résidant durablement
en France (certains l'ont déjà, par exemple les Lituaniens, les Roumains, les
Slovènes, mais pas, toujours par exemple, les Algériens, les Marocains ni les
Tunisiens). J'ose encore croire qu'il tiendra son engagement. Mais les 70
députés PS qui viennent de le lui rappeler n'ont pas l'air rassurés sur ce
point. Et ce n'est pas Manuel Valls, ni le journal Le Monde, dont les discours sur
le sujet rappellent étrangement ceux du non regretté M. Guéant, qui va les
rassurer. Je mettrai 5/20, pour lui laisser une chance.
Education physique : dispensé
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Dispense bienvenue : je crains fort que cette
matière (facultative il est vrai) ne puisse guère contribuer à remonter sa
moyenne.
Langues étrangères (et affaires du même nom) : 12/20
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Pas de grosse faute, pas de contre-sens. Pas
d'annonce intempestive, pas non plus d'initiative marquante (mais parfois ça vaut
mieux). De la prudence avant toute chose. Passable.
Morale (non noté)
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La baisse de la rémunération du Président est un
beau geste du point de vue moral (même s'il ne s'agit, en l'occurrence, que
d'argent de poche). Celle appliquée aux dirigeants des entreprises publiques
l'est moins : il n'y a guère d'héroïsme à baisser les salaires de ses employés
- sans parler des doutes que l'on peut avoir sur les effets bénéfiques de cette
décision, car on se demande bien à qui ça peut faire plaisir, et encore plus à
qui ça peut profiter.
·
Concernant le cumul, ou le non-cumul, des
mandats, ça m'est assez indifférent (je ne suis candidat à rien). Je pense
néanmoins que le non-cumul des rémunérations serait la moindre des choses -
outre le fait qu'il réduirait peut-être l'incitation à cumuler les mandats. A
suivre.
·
Plus généralement, il est encore un peu tôt pour
donner une note dans cette matière, dont on sait qu'elle devient plus ardue à
mesure que la durée de détention du poste s'accroît : il faudra voir à l'usage.
Cependant l'épisode des indemnités parlementaires n'est pas de bon augure : les
parlementaires du PS ont refusé de devoir rendre des comptes sur les frais pour
lesquels ils touchent une indemnité exonérée d'impôt. Un peu comme si, dans
une entreprise, on pouvait se faire rembourser des notes de frais sans
justificatifs. La morale commence déjà à jouer l'élastique.
Sciences économiques et sociales (et fiscales) : 10/20
·
En maintenant, contre le lobbying puissant des
riches, son projet de taxe à 75%, François Hollande a gagné son brevet
d'anti-richisme (voir Camaraderie - il avait dit, jadis, qu'il n'aimait pas les
riches, mais l'avait démenti plus tard, si bien qu'on ne savait plus très
bien). A part ça, il n'en sortira rien de bon : ça ne rapportera rien dans les
caisses de l'Etat, ça n'empêchera pas les pauvres d'être pauvres, ça
n'empêchera pas non plus les rémunérations exorbitantes, dont les bénéficiaires
se débrouilleront pour échapper au fisc français. Et ça aura principalement
pour effet de creuser encore davantage le fossé entre les Français et les chefs
d'entreprise. Bénéfice global de l'opération en termes de bien-être des gens :
au mieux nul, plus probablement négatif. Zéro pointé.
·
L'augmentation de l'ISF n'est guère une
meilleure idée, d'autant que les exonérations les plus choquantes (œuvres d'art
en particulier) semblent devoir demeurer. Encore un zéro.
·
D'autres mesures vont dans le bon sens, comme le
petit tour de vis bien venu sur la taxation des plus-values (mais pourquoi
s'obstiner à exonérer la résidence principale, avec pour effet l'enrichissement
des déjà riches et l'augmentation des prix ?), celle des dividendes et celle
des successions et des donations, et la création d'une tranche supplémentaire à
45% de l'impôt sur le revenu.
·
L'augmentation du plafond du Livret A est un
petit cadeau fiscal à la classe moyenne, qui devra de toute façon le rembourser
par l'impôt. Un prêté pour un rendu. Une mesure pour rien.
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Globalement, l'équilibre n'est pas bon entre les
charges supplémentaires, en particulier celles qui pèsent sur les entreprises,
et la baisse des dépenses publiques : trop des unes, pas assez des autres. Ni
la compétitivité ni le pouvoir d'achat n'y trouvent leur compte. François
Hollande et ses amis continuent à faire comme si la France était seule au
monde, et comme si taxer les riches et les entreprises allait donner du travail
aux chômeurs et rendre les pauvres plus heureux.
Sciences naturelles (et environnementales) : 6/20
·
Fermer Fessenheim est une décision
évidemment absurde et contraire à l'intérêt général (voir Camaraderie),
même si le coût de 2 milliards avancé par certains est peut-être exagéré.
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Pour le moratoire de 5 ans sur la recherche de gaz
de schiste, même motif, même punition (voir Camaraderie). Par charité, on ne
s'étendra pas sur le paradoxe qu'il y a à refuser de chercher le gaz que nous
avons peut-être sous nos pieds et à refuser en même temps de faire payer aux
consommateurs le coût de celui que nous achetons aux Russes.
·
La tarification progressive de l'énergie est une
bonne idée pour concilier justice sociale et incitation aux économies
d'énergie. Reste à le faire sans que ça devienne une usine à gaz à laquelle
personne ne comprendrait plus rien. Par exemple, difficile de comprendre
pourquoi il faudrait à la fois faire baisser les prix (pour l'essence), ou les
empêcher d'augmenter (pour le gaz ou l'électricité), et les augmenter,
notamment par des taxes, pour inciter les gens à consommer moins ...
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Economies d'énergie et énergies renouvelables:
des intentions louables - mais l'enfer en est pavé. Doit persévérer, en évitant
les dépenses inutiles. Un esprit chagrin pourrait dire que, sans la fermeture
de Fessenheim, ça aurait fait 2 milliards de plus qu'on aurait pu leur affecter
...
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