Cher Jean d'Ormesson,
La presse rapporte que vous avez "fait campagne" pour l'élection d'Alain Finkielkraut au fauteuil de Félicien Marceau à l'Académie Française. Il se dit aussi que, parmi les plus connus de vos collègues, Pierre Nora, Michel Déon, Max Gallo, Hélène Carrère d'Encausse, entre autres, y auraient eux aussi été favorables. Et vous fûtes seize, parmi les trente-neuf Immortels vivants, à lui accorder votre suffrage. Pas une élection de maréchal, certes : mais une élection tout de même.
Vous pourriez, mon cher Jean, me demander alors : de quoi vous mêlez-vous ? Sont-ce donc vos oignons ? L'Académie n'aurait ainsi pas le loisir de choisir qui lui plaît pour siéger en son sein ?
Eh bien oui, en prose ou en vers, cela me regarde. Parce que je suis, en quelque sorte, l'un de vos employeurs, et que vous avez, de ce fait, quelques obligations envers moi. Car même si ce ne sont pas eux, ce qu'à Dieu ne plaise, qui vous choisissent, ne sont-ce pas les contribuables français qui financent cette vénérable institution qu'est l'Académie Française ? Il me semble que ça leur donne le droit, et peut-être même le devoir, d'avoir un avis sur ce qui s'y passe, et de le donner, à l'occasion.
M'ayant accordé ce droit d'opinion vous pourriez alors, cher Jean, me demander : mais quel mal y a-t-il à l'élection d'Alain Finkielkraut ? Ce garçon n'aurait-il pas toutes les qualités, et tous les mérites, requis, pour siéger à l'Académie ? De quels odieux forfaits se serait-il rendu coupable, qui le rendraient indigne de cet honneur, et de cette charge ?