Source : www.frontdegauche-pcfguac-idf.org |
L'accord conclu entre le PS et Europe Ecologie Les Verts prévoit la fermeture, d'ici à 2025, de 24 réacteurs nucléaires sur 58, ainsi que l'engagement de ne pas lancer d'études pour de nouveaux réacteurs. Pour simplifier, c'est la mort programmée, mais à petit feu, de la filière nucléaire française.
Au-delà des controverses sur le bilan chiffré des impacts potentiels de cet accord, et en essayant de ne pas se laisser excessivement influencer par les arguments de ceux qui, sous couvert d'objectivité, défendent leurs intérêts personnels, économiques ou électoraux, mais en s'efforçant simplement de réfléchir, on peut penser que la mise en oeuvre de cet accord se traduirait notamment par :
- le développement des activités de démantèlement des centrales nucléaires, chez EDF et chez ses sous-traitants
- la création de nouvelles capacités de production d'électricité renouvelable (éolien et solaire notamment), et donc le développement des filières industrielles correspondantes
- la création de nouvelles capacités de production à partir de gaz et de charbon, en France et/ou dans les pays voisins, pour compenser à la fois la baisse de la production nucléaire et l'intermittence de la production éolienne ou solaire
- des importations accrues d'électricité en provenance des pays voisins, électricité produite en grande partie à partir de charbon ou de gaz - voire en totalité, si l'on considère que la production renouvelable sera développée jusqu'à ses limites quoi qu'il arrive
- en conséquence, une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, provoquant une accélération du réchauffement climatique
- des exportations d'électricité réduites (la France étant à certains moments importatrice, à d'autres moments exportatrice)
- un fort accroissement des subventions publiques au développement de moyens de production non économiques sur la base des prix actuels de l'électricité, éolien et solaire en particulier
- à terme, une augmentation importante du prix de l'électricité, pour les particuliers et pour l'industrie (même en tenant compte du coût de l'amélioration de la sûreté des réacteurs)
- une perte d'attractivité et donc de compétences pour la filière nucléaire française
- la perte de contrats à l'export au profit des pays émergents sur le marché mondial des centrales nucléaires - perte dont on a du mal à croire qu'elle pourrait être compensée par le développement des filières renouvelables, beaucoup plus facilement accessibles à un grand nombre d'acteurs et sur lesquelles la France n'a aucun avantage concurrentiel.
C'est volontairement que je ne cite pas dans cette liste les économies d'énergie : je crois en effet que les investissements destinés à réduire les consommations d'énergie peuvent et doivent être réalisés en tout état de cause, quels que soient les moyens utilisés pour produire l'électricité.
Si cet accord est mis en oeuvre il y aura, bien entendu, des gagnants et des perdants.
Qui seront les gagnants ?
Du côté des gagnants, on peut compter :
- les industriels (français et étrangers) du secteur des énergies renouvelables, donc leurs actionnaires et, au moins peut-on l'espérer, leurs salariés
- les producteurs de charbon et de gaz, majoritairement non européens
- les industries nucléaires coréennes, chinoises, russes ... qui pourront plus facilement exporter leur technologie
- l'industrie américaine, qui bénéficiera de l'avantage de compétitivité que lui procure la production nucléaire (avantage qui s'ajoute à celui dont elle bénéficie déjà grâce à la production de gaz de schiste, bien plus économique que les importations françaises de gaz naturel).
Qui seront les perdants ?
Seront en revanche perdants :
- les consommateurs d'électricité français, qui paieront leur électricité plus cher - et, parmi eux, ceux dont les revenus sont les plus faibles, qui seront proportionnellement les plus touchés
- les industries françaises consommatrices d'électricité (et donc notamment leurs salariés), qui perdront de leur compétitivité du fait d'une électricité plus chère
- les contribuables français, qui vont devoir subventionner les industriels des énergies renouvelables - en majorité privés, et pour partie étrangers, soit dit en passant -, et qui vont voir dans le même temps se réduire les dividendes et les taxes versés à l'Etat et aux collectivités locales par EDF et Areva
- les sous-traitants d'EDF, et plus généralement toute la filière nucléaire française
- les occupants, permanents ou occasionnels, des territoires qui seront voués à la culture intensive des éoliennes
- enfin, last but not least, les habitants des territoires qui seront les plus touchés par les effets du réchauffement climatique, qui sont comme par hasard parmi les plus pauvres du globe.
Et le risque nucléaire ?
On m'objectera que, depuis Fukushima, le risque nucléaire est devenu inacceptable, et qu'il faut donc d'urgence "sortir du nucléaire", quoi qu'il nous en coûte. Ce raisonnement est au mieux un paralogisme (raisonnement faux, mais tenu de bonne foi), au pire un sophisme (raisonnement faux tenu dans l'intention de tromper). Je répondrai aux objecteurs de bonne foi :
- que l'accident de Fukushima n'a pas aggravé le risque d'accident sur les centrales existantes, risque qui existait avant Fukushima (comme avant Tchernobyl) et qui continuera à exister après ; il aura au contraire pour conséquence, comme tout accident industriel, une amélioration de la sûreté des réacteurs existants et de ceux qui seront construits dans l'avenir - à condition d'y mettre les moyens ;
- que, si le risque était réellement inacceptable, il faudrait tout arrêter le plus vite possible, et non se contenter de réduire la part du nucléaire comme le prévoit l'accord - de ce point de vue, la position initiale d'EELV, qui reste apparemment celle d'Eva Joly, avait au moins le mérite de la cohérence : déraisonnable, mais cohérente ;
- que moins on investit, en argent et en matière grise, dans le nucléaire, moins bien on garantira la sûreté des installations qui, quoi qu'on dise, subsisteront en grand nombre, en France et dans le reste du monde.
Pour conclure
Malgré ma bonne volonté, j'ai bien de la misère à trouver judicieux, en tant que citoyen français, qu'on dépense l'argent public - car l'argent d'EDF est bien pour l'essentiel de l'argent public - pour détruire ce qui fonctionne, plutôt que le dépenser pour le faire fonctionner mieux, plus longtemps et de façon plus sûre. Qu'on jette à la rivière, d'un trait de plume, un secteur industriel dans lequel la France dispose d'une capacité technologique de tout premier plan dans le monde. Qu'au moment même où notre situation économique se dégrade, où les pays émergents nous taillent des croupières, et où l'Amérique se dote d'un nouvel avantage compétitif pour son industrie en exploitant le gaz de schiste, la France se prive volontairement de ce qui constitue l'un des atouts de sa propre industrie. Qu'on devienne du jour au lendemain indifférent aux ravages potentiels du réchauffement climatique, notamment sur les pays les plus pauvres.
On peut ne pas être complètement surpris que les Verts, à qui il arrive d'avoir de bonnes idées, mais aussi de très mauvaises, prennent sur ce sujet des positions idéologiques, dogmatiques et contraires au bon sens. Que le PS leur emboîte le pas avec une telle précipitation et une telle irréflexion, c'est dommage, pour eux et pour nous, et inquiétant.
Sources : www.francesoir.fr, www.challenges.fr, www.liberation.fr, www.lepost.fr
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