Georges Moustaki est mort avant-hier.
Non, je sais, ce n'est pas une nouvelle. Sur le moment, ça
m'a fait un petit choc : Le métèque, c'est ma jeunesse, aussi. Mais ça
fait un moment déjà qu'elle a foutu le camp, ma jeunesse.
Un poète qui meurt, ça ne fait pas de fracas, c'est une
bulle qui éclate, une plume qui tombe, c'est rien du tout. Moustaki, depuis le
temps qu'il était silencieux, on le croyait déjà mort. En plus, un poète ne
meurt pas vraiment. Il en est même beaucoup qui ne commencent vraiment à vivre
qu'après leur mort. La mort de Moustaki, c'est rien du tout ... ou presque : pas
la fin du monde, non, mais quand même la fin d'un monde.
Parce qu'il était, je crois bien, le dernier survivant. Moustaki
n'était pas un monstre sacré : il n'était ni Piaf, ni Barbara, ni Gréco,
ni Brel, ni Brassens, ni Reggiani, ni Salvador, ni Mouloudji. Mais il était un
membre de cette famille-là. C'est avec tous ceux-là qu'il a chanté, qu'il a
vécu, qu'il a aimé. C'est avec eux, pour eux qu'il a écrit ces chansons qui resteront
parmi les plus belles de la chanson française : Milord, bien sûr, pour
Piaf, La longue dame brune pour Barbara, Ma liberté pour Reggiani
...
Il était le dernier survivant, mais la vie continue. Je
pense à l'adaptation qu'il a faite de la très belle chanson de Carlos Jobim, Aguas
de Março (à écouter ici, chantée par lui-même, ou là, merveilleusement interprétée par Stacey
Kent) :
"[...]C'est l'hiver qui s'efface, la fin d'une saison,
C'est la neige qui fond, ce sont les eaux de mars,
La promesse de vie, le mystère profond,
Ce sont les eaux de mars dans ton coeur tout au fond."