La fable qui suit (dont je n'ai pas réussi à identifier
l'auteur original) tourne en boucle sur les sites internet. Ce qui ne l'empêche
pas d'être intéressante.
L'histoire se passe dans un bourg perdu au fin fond
de la Grèce (mais elle pourrait aussi bien se situer en Irlande, en Italie, en Espagne,
au Portugal, ou pourquoi pas en France …).
L'ambiance est morose dans la petite ville : après
une période d'euphorie où l'économie était florissante, l'activité s'est
brusquement arrêtée. Chacun craint soit de ne pas pouvoir rembourser ses dettes,
soit de ne pas être remboursé par ses propres débiteurs … Les habitants ont le
moral dans les chaussettes.
Un soir d'automne, sous une pluie battante, une
grosse Mercedes noire parcourt les rues désertes. Le conducteur, un riche
touriste allemand égaré dans cette région de lui inconnue, gare son auto devant
le seul hôtel de la ville. Il entre dans le modeste établissement, et demande à
voir les chambres disponibles, afin d’en choisir une pour la nuit. En échange
d'un billet de 100 euros, qu'il dépose sur le comptoir, le gérant de l’hôtel
lui confie les clés et lui propose de choisir la chambre qui lui convient.
Dès que le touriste a disparu dans l’escalier,
l’hôtelier s’empare du billet de 100 euros et se précipite chez le charcutier,
son voisin, afin de lui régler les 100 euros qu'il lui doit. Le charcutier, qui
doit lui-même de l’argent à l'éleveur de porcs, se rend immédiatement chez ce
dernier et lui remet le billet de 100 euros. L’éleveur, à son tour, s'empresse
de régler la dette qu'il avait auprès de la coopérative agricole où il achète
ses fournitures. Le directeur de ladite coopérative a une sévère ardoise au
bistrot du coin : il y court immédiatement acquitter son dû auprès du tenancier
du débit de boisson. Le tavernier le glisse alors discrètement à la
péripatéticienne locale qui lui fournit ses services à crédit déjà depuis quelques
semaines. La courtisane, qui utilise régulièrement une chambre de l’hôtel pour réaliser
ses prestations, court aussitôt payer sa facture à l’hôtelier. Celui-ci dépose
la coupure de 100 euros sur le comptoir où le touriste allemand l’avait laissée
en arrivant.
Au même moment, le touriste redescend l’escalier, indique
qu’il ne trouve pas les chambres à son goût, ramasse son billet et s’en va.
Personne n’a rien produit. Mais personne n’est plus
endetté : tous les protagonistes de cette histoire ont l'impression de s'être
enrichis ! Du coup, le village retrouve le moral : l'hôtelier remplit à nouveau
son garde-manger et le charcutier sa chambre froide, l'éleveur paie la tournée
au bistrot, le cafetier file à l'hôtel s'offrir un moment d'intimité avec la
demoiselle … et la vie reprend son cours heureux.
On peut s'amuser à réfléchir autour de cette parabole.
De l'importance de la liquidité
Le touriste allemand, quoique riche et solvable, n'a
finalement rien acheté, ni rien laissé, repartant avec l'argent qu'il avait
apporté. Il n'a en aucune façon amélioré la balance commerciale, ni la balance
des paiements, du village, ni en aucune façon contribué directement à l'activité
de ses habitants (à part celle, bonne pour la santé à défaut d'être
immédiatement productive, de courir chez les uns et chez les autres).